Histoire
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La villa E-1027, le château de Maisons, le Panthéon… De nombreux monuments nationaux sont l’œuvre d’architectes reconnus. Ceux-ci ont apporté un autre regard et des idées nouvelles, qui ont marqué l’histoire et le patrimoine. Retrouvez ici le portrait de huit grands noms de l’architecture française !
Commençons par remonter au XVIIème siècle en compagnie de François Mansart. Né en 1598, il est d’abord sculpteur et architecte de la Ville de Rennes entre 1612 et 1617. En 1631, Jean de Choisy, chancelier du duc d’Orléans, lui confie la construction du château de Balleroy. Ce projet marque la définition de son style, avec des toits d’ardoise et des volumes en pente, rappelant les pyramides.
Quelques années plus tard, en 1641, Mansart est choisi par René de Longueil pour ériger sa demeure. Ce nouveau chantier devient son chef-d’œuvre : le château de Maisons ! Il exprime tout son génie à travers ce château élégant et moderne.
Le logis central est encadré de deux pavillons côté cour, tandis que, côté jardin, se trouvent des portiques latéraux. Symétrie parfaite, harmonie, lignes simples : c’est la naissance de l’architecture classique ! L’édifice devient une référence et Louis XIV s’en inspirera même pour son château de Versailles, dont les travaux commencent en 1661.
D’ailleurs, savez-vous qui est alors l’architecte du roi ? Jules Hardouin-Mansart, le petit-neveu de François !
Ange-Jacques Gabriel est le fils de Jacques Gabriel, Premier architecte du roi et cousin éloigné de Jules Hardouin-Mansart. En 1730, il est nommé architecte du château de Versailles par Louis XV puis Premier architecte du roi en 1742. Il aménage des lieux somptueux, tels le château de Compiègne, le petit Trianon et la place Louis XV, actuelle place de la Concorde, à Paris.
C’est ici qu’à partir de 1757 Gabriel dirige un projet monumental, synthèse de plusieurs projets proposés lors d’un concours en 1753. Il travaille notamment aux plans d’un palais, pour lequel il imagine une façade sur le mode antique. Toute en lignes droites et en colonnes, cette dernière est bordée par deux parties aux allures de temples, surmontés d’un fronton. C’est le début d’une nouvelle forme de classicisme, imprégnée de la sensibilité du XVIIIe siècle. À l’intérieur, il accueille le Garde-Meuble royal de 1767 à 1798, et le ministère de la Marine, de 1789 à 2015.
L’avez-vous reconnu ? C’est le magnifique Hôtel de la Marine.
Restons encore un peu au XVIIIème siècle avec Jacques-Germain Soufflot… En 1733, celui-ci part étudier à l’Académie de France à Rome. Il s’installe ensuite à Lyon en 1738, où il réalise des chantiers de grande ampleur, comme celui de l’Hôtel-Dieu. En 1755, il déménage pour Paris, où il bénéficie de l’appui du marquis de Marigny, directeur général des bâtiments du roi. Il va notamment participer à la construction de l’Hôtel de la Marine, aux côtés de Gabriel.
En 1757, Soufflot se voit confier une nouvelle entreprise d’envergure : l’église Sainte-Geneviève, dédiée aux reliques de la sainte patronne de Paris. Il puise dans différents styles pour établir son programme : grec, pour la forme de l’église, byzantin, pour les coupoles, ou encore gothique, pour la nef et les arcs-boutants. Mais, surtout, il se réfère au classicisme et au Tempietto de Bramante, qu’il a pu admirer à Rome. Hélas, il meurt en 1780 avant la fin des travaux. Quant à l’église, elle change sept fois de fonction avant de devenir le Panthéon, dédié à la mémoire des grandes personnalités françaises.
Son nom est indissociable des monuments nationaux ! Né en 1814, Eugène Viollet-le-Duc se passionne très tôt pour le patrimoine et le Moyen Âge. Or, au XIXème siècle, de nombreux édifices anciens tombent en ruine… Il décide donc de les sauver ! En 1840, Prosper Mérimée, alors inspecteur des monuments historiques, lui confie la restauration de la basilique de Vézelay. Suivront les chantiers de Notre-Dame de Paris, de l’abbaye du Mont-Saint-Michel, de la Sainte-Chapelle ou encore de la Cité de Carcassonne.
Cependant, le chef-d’œuvre absolu de Viollet-le-Duc reste le château de Pierrefonds. À partir de 1858, il entreprend de le reconstruire entièrement, non pas tel qu’il était… mais tel qu’il aurait pu être. Une nuance à faire blêmir les historiens ! Courtines, châtelets ou gouttière-crocodile : il laisse parler son érudition et son imagination romantique pour ériger un « château fort idéal ».
À son époque, le résultat, spectaculaire et ambitieux, ne fait pas l’unanimité. Aujourd’hui cependant, Viollet-le-Duc est salué pour sa démarche visionnaire. Et vous, ça vous plaît ?
Emmanuel Pontremoli naît en 1865 à Nice et entre en 1883 aux Beaux-Arts de Paris, en tant qu’élève-architecte. Grand Prix de Rome en 1790, il sillonne ensuite l’Italie, la Sicile et la Tunisie pour y effectuer des relevés archéologiques. En 1896, il participe même au chantier de fouilles du temple d’Apollon à Didymes, en Grèce. Revenu à Paris en 1897, il est nommé inspecteur des travaux du musée du Louvre.
Entre 1902 et 1908, il imagine une demeure pour le compte de l’archéologue Théodore Reinach : la villa Kérylos, près de Nice. Celle-ci s’inspire des maisons nobles de l’île de Délos, au IIe siècle avant notre ère. Tout comme elles, la villa s’organise autour d’un péristyle, une cour centrale. La plupart des pièces portent des noms grecs, comme le Triklinos, la salle à manger, ou l’Andron, le grand salon. Le décor est somptueux, fait de colonnes de marbre, de mosaïques et de fresques. Même le mobilier, les tissus et la vaisselle sont choisis avec soin !
Au bord de la mer Méditerranée, Pontremoli créé un lieu unique en son genre, restitution grandeur nature de la civilisation grecque. Impressionnant, non ?
Designer et architecte irlandaise, Kathleen Eileen Moray Smith, dite Eileen Gray, découvre les techniques de laque chinoise en 1905. Deux ans plus tard, elle s’installe à Paris puis, en 1909, ouvre un atelier rue Visconti. Par la suite, elle expose ses laques et réalise des pièces de mobilier, ainsi que des tapis. Elle en livre d’ailleurs un pour la villa de Noailles en 1922 à la demande de Robert Mallet-Stevens, dont on vous parle un peu plus bas !
La villa E-1027, bâtie entre 1926 et 1929 à Roquebrune-Cap-Martin, est sa première création architecturale, destinée à son compagnon, Jean Badovici. Pour cet espace, modeste et compact, elle imagine un mobilier élégant et astucieux.
Quelques exemples ? Sa table de chevet chromée circulaire est réglable en hauteur grâce à une chaînette métallique. Quant à son miroir mural, baptisé Satellite, il dispose d’un bras articulé portant un second miroir plus petit. D’extérieur, la villa est montée, en partie, sur pilotis et dispose de longues baies vitrées.
Une allure qui rappelle les théories formulées par Le Corbusier, par ailleurs ami d’Eileen Gray, qui y séjournera !
En 1927, Charles-Édouard Jeanneret, dit Le Corbusier, élabore une nouvelle vision de l’architecture et de l’urbanisme à travers 5 idées directrices. Il préconise ainsi le recours aux pilotis, pour libérer l’espace au sol, et aux toits-terrasses aménagées. Il supprime aussi les murs porteurs intérieurs au profit d’un plan libre, les cloisons ne servant donc plus qu’à délimiter les pièces. Quant aux façades libres, elles sont indépendantes de la structure du bâtiment et peuvent être percées de nombreuses et grandes fenêtres en bandeau, qui apportent un maximum de clarté naturelle.
L’année suivante, en 1928, Le Corbusier concrétise ses idées sur l’architecture nouvelle avec la construction d’une résidence à Poissy. La villa Savoye est réalisée en béton armé, recouvert d’un enduit blanc qui lui donne un aspect à la fois étrange, moderne et uni. Avec ses quatre façades quasi-identiques, elle rompt avec les codes traditionnels et fait disparaître les notions d’avant et d’arrière. À l’intérieur, le placement des cloisons est libre et une immense baie vitrée inonde le séjour de lumière. Quant au toit, il abrite un jardin suspendu et un solarium.
Innovante, la villa Savoye incarne une vision avant-gardiste, combinant forme, espace, matériau, couleur et lumière. Vous vous verriez y vivre ?
Robert Mallet-Stevens commence sa carrière en 1907, après des études à l’École spéciale d’architecture de Paris. Déjà, il défend une autre perception de l’architecture, moins ornementale et plus moderne. Durant l’entre-deux-guerres, il travaille pour l’industrie et le commerce, élaborant notamment des plans de magasins. Il collabore aussi avec plusieurs réalisateurs de cinéma, pour lesquels il réalise des décors de tournage. En 1925, son square cubiste fait scandale à l’exposition internationale des Arts décoratifs et industriels… et attire l’attention de l’homme d’affaires Paul Cavrois.
En 1929, celui-ci confie à Mallet-Stevens le soin de lui bâtir une résidence à Croix, près de Lille. Ce dernier n’en est pas à son coup d’essai : il a déjà réalisé plusieurs demeures bourgeoises, dont la villa Poiret, restée inachevée, et la villa de Noailles. Mélange de technique et d’esthétique, la villa Cavrois repose sur une structure en béton armé, recouverte de briques de parement jaunes. Le décor, le mobilier et le jardin font aussi partie du programme, transformant l’édifice en œuvre d’art totale, aboutissement des idées de Mallet-Stevens.