Art & Architecture
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Découvrez le portrait de la pieuse reine en « habit de ville »
Marie-Charlotte-Sophie-Félicité Leszczynska, fille du roi détrôné de Pologne, Stanislas Leszczynski, s’est unie en 1725 à Louis XV, alors âgé de quinze ans. Cette alliance n’est pas des plus stratégiques pour la cour de France, d’autant qu’elle est issue d’une famille aristocratique élue par le peuple polonais, et non princesse de sang royal). Mais elle est en âge de faire des enfants, et c’est la principale préoccupation de la monarchie française en 1725, dans la mesure où Louis XV est le dernier des descendants de Louis XIV, après les décès du Grand Dauphin, du Petit Dauphin (son père), de sa mère et de ses deux frères aînés.
La jeune reine vit scrupuleusement tenue éloignée du pouvoir politique. Elle donne naissance à dix enfants en dix années, et six mourront jeunes. Séparés de fait en 1738, le roi et la reine assument alors, chacun de leur côté, leur rôle de représentation. Le parti des dévots se rassemble naturellement autour de la reine : le Dauphin, ses sœurs « Mesdames, filles du roi », scandalisés par l’inconduite de leur père, mais aussi de pieuses duchesses, comme madame de Villars, dame d'atour de la reine ou la duchesse de Luynes, le président Hénault, le marquis d’Argenson, à l’occasion Helvétius. Quoique pieuse, la reine aime aussi le jeu, la cavagnole, s’essaye au dessin et à la peinture et par-dessus tout à la musique. C’est également une grande épistolière.
« Elle n'eut jamais grand crédit, mais quand elle ne fut plus qu'une épouse délaissée et malgré les impertinences de certains, elle força toujours le respect par sa dignité de vie et sa piété... et ses vertus lui conservèrent en dépit de tout, la confiance de Louis XV » (M. Antoine, Louis XV, Paris, 1989, Hachette, p. 464). En 1748, portraiturée par Jean-Marc Nattier (Versailles, musée du château), elle est âgée de quarante-cinq ans : épuisée par les grossesses, la religion a pris une grande place dans son quotidien et elle s’entoure d’un cercle amical, mais restreint, détachée de l’influence et des intrigues de Versailles, ainsi que de sa politique. Elle laisse l’image d’une reine dévouée, aimée et discrète à la cour de France. Elle s’éteint à Versailles en 1768.
La reine a demandé à l’artiste à être représentée en « habit de ville » et non en costume d’apparat comme dans le portrait exécuté l’année précédente, en 1747, par Charles-André van Loo (1705-1765). La reine y porte un bonnet de dentelle blanche retenu par une mantille de dentelle noire, dans une parfaite quiétude domestique. Elle est assise dans un fauteuil dont le tissu brodé de fleurs de lys rappelle discrètement le statut du modèle, son bras gauche reposant sur un évangile. Le tableau, exposé au Salon de 1748, reçoit des critiques enthousiastes tant pour la ressemblance du portrait que pour sa « noble simplicité ». Il connaît une diffusion immense par le biais de l’estampe dès 1755, popularisant le dernier portrait officiel de Marie Leszczynska.
Cinq années plus tard, en 1753, elle se fait de nouveau portraiturer par l’artiste (Pittsburgh, Collection Frick Art Museum). Les yeux sont encore vifs et le teint frais, seul le cou s’est légèrement empâté Le pastel conservé au château de Carrouges date de ces mêmes années.
Dans le pastel conservé au château de Carrouges, la gaîté et la vivacité du modèle sont encore plus présents que dans le portrait conservé à Pittsburgh. Le sourire est espiègle : la reine est emmitouflée dans un large manteau bleu et réchauffée par un manchon de fourrure, portant, comme dans le tableau de 1748, un bonnet de dentelle blanche retenu par une mantille de dentelle noire. L’air vif ainsi que le bonnet et la mantille sont récurrents dans les portraits de la reine des années 1750, comme l’atteste le portrait d’après Maurice Quentin de La Tour (Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon).
Xavier Salmon (dir.), Jean-Marc Nattier. 1685-1766, catalogue de l’exposition du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon (26 octobre 1999-30 janvier 2000), Paris, R.M.N., 1999.
Xavier Salmon, Parler à l’âme et au cœur. La peinture selon Marie Leszczynska, cat. exp., château de Fontainebleau, 18 juin-19 septembre 2011, Paris, Faton, 2011.