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Galerie de l'histoire de Troie au château d'Oiron, cycle probablement exécuté par Noël Jallier de 1546 à 1549

Entrez dans le cycle troyen à travers ces quatorze peintures murales!

Présentation de l'oeuvre

Vue d'ensemble de la galerie

© Jean-Luc Paillé / Centre des monuments nationaux

Les quatorze peintures murales de la galerie du château d’Oiron, œuvre majeure de la Renaissance française, sont particulièrement originales en ce qu’elles figurent l’histoire de Troie dans un esprit érudit, se référant précisément aux seuls textes aujourd’hui conservés du « cycle troyen », à savoir l’Illiade et l’Odyssée d’Homère.

Les sources d'inspiration iconographique du peintre sont parfois précises, comme avec la référence au Songe de Poliphile servant à la composition de la Descente aux Enfers d’Enée. Mais la plupart du temps, l’iconographie est inédite, alors que des scènes comme le Jugement de Paris, l’Incendie de Troie ou la Forge de Vulcain, ont déjà été traités, fournissant d’illustres modèles illustres.

Enfin la conception décorative est elle aussi originale : chaque tableau est présenté dans des cadres moulurés en trompe-l’œil. Si la compartimentation de la surface murale à l’aide du cadre est un usage récurrent des décors italiens maniéristes, on est loin des ornements foisonnants de la grande galerie d’apparat de Fontainebleau conçue par les artistes maniériste italiens Rosso Fiorentino et le Primatice.

Le cycle du château d’Oiron mêle quant à lui plusieurs influences stylistiques : on trouve d’un côté des compositions d'inspiration classique, lisibles et équilibrées, et de l’autre un dessin maniériste pour les figures, tant dans les proportions que dans les attitudes, où l’influence de Michel-Ange apparaît clairement. Mais l’influence flamande est elle aussi sensible dans le traitement du paysage, où les tons de gris, de vert et de bleu dominent, tons froids et clairs si familiers aux paysages flamands.

Cette maîtrise dans le traitement du paysage pourrait faire pencher en faveur d’un artiste Flamand, dont nombre d’entre eux visitent l'Italie, puis travaillent dans d'autres pays comme la France, d’autant que la technique utilisée n’est pas la fresque mais une peinture à la colle sur enduit, ce qui semble exclure un artiste d’origine italienne ou sous influence italienne. Le mystère demeure donc entier, quoique Jean Guillaume attribue ces fresques à Noël Jallier, attribution appuyée par une quittance citée par Benjamin Fillon.

L’usage d’une telle galerie ne doit pas se comparer à celle de François Ier à Fontainebleau. Les plans montrent que la galerie est normalement liée aux pièces privées du logis ainsi qu’aux activités privées. Le maître peut évidemment en faire un espace de réception s’il le désire, mais la galerie reste le plus souvent une pièce privée qui peut occasionnellement être ouverte.

Prologue : La Gloire de François Ier

© Jean-Luc Paillé / Centre des monuments nationaux

Ce prologue est dédié "A François de Valois, roi des Français, prince très chrétien, très invincible et très puissant" selon l'inscription latine. Les figures peintes de part et d’autre représentent Pégase au centre et à gauche, Apollon, sa lyre, sa couronne de lauriers et les deux cygnes qui l’accompagnent.

L'Assemblée des Dieux

© Jean-Luc Paillé / Centre des monuments nationaux

Quatorze dieux sont présents à l’occasion des noces de Thétis et Pelée. La discorde représentée avec ses ailes de chauve-souris vient de jeter au milieu d’eux la pomme d’or destinée à la plus belle des déesses. Jupiter ordonne à Mercure de conduire Junon, Minerve et Vénus sur l’Ida où Pâris sera juge de leur beauté. Le nu, au premier plan à senestre, est typiquement maniériste dans sa pose contorsionnée.

Le Jugement de Pâris

© Jean-Luc Paillé / Centre des monuments nationaux


Ce tableau présente de manière très classique le jugement de Pâris : le fils de Priam, coiffé d’un bonnet phrygien et tenant une canne de berger à la main, est assis devant une grotte, près d’une source personnifiée par une nymphe. Il remet la pomme à Vénus, couronnée de deux amours. Le paysage présente un curieux détail : derrière le berger et son troupeau, à côté d’architectures antiques à demi-ruinées, se dresse une pyramide effilée tordue comme une flamme.

L'Enlèvement d'Hélène

© Jean-Luc Paillé / Centre des monuments nationaux

Placée au centre, Hélène est entraînée vers le port par Pâris et l’un de ses compagnons. À dextre, quatre cavaliers livrent bataille. Le paysage évoque la ville de Sparte ruinée où mouillent les vaisseaux des Troyens. La scène de bataille aux tonalités sombres et violacées est éclairée par une étrange luminosité attirant ponctuellement le regard sur certains détails. À senestre, les lointains sont clairs, et les montagnes bleues surplombent une mer verte et un ciel safran. Effet d’orage qui accentue la dramatisation du paysage.

Le Sacrifice d'Iphigénie

© Jean-Luc Paillé / Centre des monuments nationaux

Hélène, épouse du roi Ménélas qui a été enlevée par Pâris, prince de Troie, provoque la colère de Ménélas. C’est Agamemnon, le père d'Iphigénie, qui doit diriger l'expédition contre Troie. Or, quand les armées d'Agamemnon se préparent à partir pour Troie, une tempête immobilise leurs navires. Le devin Calchas l’invite à sacrifier aux dieux sa fille Iphigénie afin de calmer la tempête.

Le moment choisi est celui où la déesse Artémis substitue une biche à Iphigénie. Les participants n’ont pas encore pris tous conscience du prodige. Certains détournent leur regard de l’autel avec horreur ; d’autres rendent déjà grâce aux dieux, tel Calchas au premier plan, qui vient de s’agenouiller après avoir jeté son couteau. Le personnage de gauche pourrait être Agamemnon.

À l’arrière-plan on aperçoit un port et une ville juchés sur un rocher, éclairés sous un ciel d’orage : c’est Aulis en ruines. Au-dessus des bateaux immobilisés, à dextre, apparaît un arc-en-ciel, attestant que le peintre a suivi la version d’Ovide et de Virgile selon laquelle la tempête, et non le calme, empêcha les Grecs de prendre le large.

Les licornes encadrant l’inscription symbolisent la pureté de la jeune fille sacrifiée ; les dauphins enlacés du haut évoquent les courses rapides à travers la mer ; les têtes qui soufflent dans les crossettes supérieures personnifient les vents.

Le Combat près des vaisseaux

© Jean-Luc Paillé / Centre des monuments nationaux

Avec la sixième peinture murale commence le récit de la guerre de Troie. Le cartouche ayant entièrement disparu, la scène est peu identifiable. La présence des vaisseaux sur le côté gauche fait penser au « combat près des vaisseaux » décrit dans l’Illiade. Les Grecs essuient défaites sur défaites, et sont acculés par les Troyens qui menacent de brûler leurs vaisseaux. Tous les combattants sont vus de côté, disposés parallèlement à la manière des bas-reliefs romains.  Derrière eux se profile une ville au bord de la mer, blanche, irréelle et au-delà d’un bois un grand pont et une autre ville, ruinée. 

Le Bûcher de Patrocle

© Jean-Luc Paillé / Centre des monuments nationaux

La scène représente le bûcher de Patrocle. Patrocle est l'écuyer d'Achille et son cousin, il est l’un des principaux guerriers grecs et meurt au combat. Les Grecs dressent alors un bûcher :  autour du corps de Patrocle sont entassés des animaux sacrifiés et les corps de douze Troyens massacrés par Achille.

Scènes de combat

© Jean-Luc Paillé / Centre des monuments nationaux

Le Combat singulier

© Jean-Luc Paillé / Centre des monuments nationaux

Cette scène figure un combat singulier entre Pâris et Ménélas face aux armées grecques et troyennes. Les têtes de lion et les lièvres, dans les crossettes sur les côtés, symbolisant le courage et la peur, font référence à l’effroi de Pâris devant Ménélas. Pâris accepte le combat, mais il ne doit son salut qu’à l’intervention de Vénus qui le dérobe à son adversaire, sans doute évoquée par les figures nues allongées de part et d’autre du cartouche, adossées à des dauphins, attributs classiques de Vénus. 

À l’arrière-plan, un paysage urbain a été identifié comme étant celui de l’île du Tibre, avec le pont Fabricius et, à dextre, les pentes du Capitole et du Palatin. Il s’agit donc d’une véritable vue de Rome, en ruines, et non d’une représentation conventionnelle. L’imaginaire et le réel se confondent ainsi dans la scène.

La Mort d'Hector

© Jean-Luc Paillé / Centre des monuments nationaux

Hector est allé à la rencontre de Penthésilée, reine des Amazones, qui venait au secours de Priam ; Achille se dresse en embuscade au passage d’un gué et le tue. 
À l’arrière-plan, à senestre, des rochers fantastiques portent une ville de rêve dont les ruines sont envahies par la végétation.

Le Cheval de Troie

© Jean-Luc Paillé / Centre des monuments nationaux

Le fameux cheval monumental occupe le centre de la composition, davantage vivant que fait en bois, même si on distingue les joints qui séparent les pièces assemblées et même les tenons qui les attachent les unes aux autres.  

La Fuite d'Énée

© Jean-Luc Paillé / Centre des monuments nationaux

Troie est prise et brûle entièrement. D’immenses colonnes de fumée inclinées par le vent se perdent dans la nuit, tandis que sur une place éclairée à contrejour par les lueurs de l’incendie se dresse le cheval de bois. Des Troyens en fuite, au premier plan, se placent au centre de la composition. À senestre, Enée porte Anchise et tient par la main son fils Ascagne. Derrière eux, quatre femmes les suivent en fuyant. Le tiers senestre de la composition est éclairé par le jour, indiquant une scène distincte du sujet principal. On aperçoit un rivage et des navires où plus tard s’embarquent les survivants.

Les Armes et les Combats d'Énée

© Jean-Luc Paillé / Centre des monuments nationaux

Le sujet comprend plusieurs scènes, au sein d’une composition plus complexe que dans les peintures murales précédentes. Placé au centre, un énorme rocher creusé en grotte abrite une forge, où Vulcain et ses compagnons frappent sur une enclume. La plate-forme rocheuse qui occupe tout le premier plan de la peinture, ce qui permet de distinguer les espaces et les deux scènes latérales. Vulcain et les cyclopes forgent les armes du héros engagé dans ces combats. La peinture illustre donc un thème classique : les armes d’Enée. Les deux scènes latérales, des combats maritimes à dextre et équestres à senestre complètent le sujet central.

Énée aux Enfers

© Jean-Luc Paillé / Centre des monuments nationaux

La composition de l’Enfer d’Oiron se rapproche de la description du lieu dans Le Songe de Poliphile, qui évoque, « clos d’une vieille porte rouillée », un abîme au fond duquel se trouvent côte à côte un lac de feu et un lac glacé. La gravure de grande dimension accompagnant la description est intégralement reproduite inversé dans sa partie centrale. On y retrouve les rochers percés, les deux lacs, la passerelle annulaire, les silhouettes menues des damnés.

Pour aller plus loin

Jean Guillaume, La galerie du Grand Ecuyer. L'Histoire de Troie au château d'Oiron, Chauray, Editions Patrimoines, 1996.

Autrice de la notice

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Morwena Joly-Parvex

Conservatrice du patrimoine

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Zoom sur les décors et intérieurs

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Plafond de l'escalier du château de Champs-sur-Marne