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Portrait du marquis et de la marquise de Faventines jouant de la musique par Jean Valade

Découvrez un couple à la mode, mais aussi quelque peu sulfureux...

Présentation de l'oeuvre

Jean Valade (1710-1787), Portrait du marquis et de la marquise de Faventines jouant de la musique. Huile sur toile, 162 x 131 cm. Château de Maisons-Laffitte

© Jean-Luc Paillé / Centre des monuments nationaux

Pierre de Faventines (1695-1776) est un marchand cévenol de laine qui s’investit dans la production de soie dès les années 1720. Il devient ainsi le plus important industriel de sa région, mais ses ambitions sont plus vastes. Souvent nées de la laine ou du sel, les fortunes languedociennes, la plupart du temps protestantes, s'insèrent dans les circuits internationaux grâce à la diaspora des religionnaires, avant et après la Révocation. La création de compagnies et manufactures privilégiées est pour les financiers de Languedoc l'occasion d'affirmer la prépondérance de leurs capitaux et leur rôle de direction : d'abord à l'horizon de la draperie locale et du commerce méditerranéen, comme en témoigne la manufacture de draps fins de Pennautier qui joue par ailleurs un rôle essentiel dans la Compagnie du Levant; ensuite sur toutes les mers du globe. En 1732, il devient commandant de l’île de Mayotte pour le compte de la Compagnie des Indes.

Le financier languedocien se met au service des armées et de la marine royale. L'ascension de Pierre Faventines est alors fulgurante. Il devient intendant de la duchesse de Bourbon, puis fermier général de 1756 à 1776, bataillon sacré et fermé de la monarchie, l’institution étant chargée de récolter l’impôt pour le royaume. Les enfants de la famille nouent d'importantes alliances, acquérant les maisons, terres, titres et possessions de l'ancienne aristocratie.

Témoin de cette grande ambition sociale et économique, le portrait de famille qu'ils confient à Jean Valade reflète les aspirations sociales du couple. Jean Valade, peintre agréé en 1750, puis  admis à l’Académie royale de peinture et de sculpture quatre ans plus tard, est un peintre qui compte dans le milieu des artistes parisiens. Parmi les témoins à son mariage (1752) figure le futur marquis de Marigny, directeur général des Bâtiments du roi depuis 1751.

Le couple expose ici leurs loisirs, tournés vers les arts et les lettres, avec le « négligé » de l’âme artiste, particulièrement mis en scène dans la posture madame de Faventines. Celle-ci joue avec de la guitare instrument par excellence de la noblesse élégante depuis les célèbres œuvres d'Antoine Watteau (1684-1721), au sein desquelles jeunes hommes et femmes jouent nonchalamment de la guitare au gré d’une promenade au jardin. Cependant, le jeu érotique est davantage explicité avec madame de Faventines, avec sa jupe largement bousculée par son chien, alors qu’elle est assise sur un sofa, meuble à la mode et à la réputation sulfureuse depuis le roman du même nom publié par Crébillon fils en 1737.

Si les finesses psychologiques des deux protagonistes n’apparaissent pas comme chez Quentin de La Tour ou Jean-Baptiste Perroneau, Jean Valade exécute là un portrait de famille couple vivant, intimiste, d’une grande précision documentaire sur les souhaits des commanditaires issus de la finance dans leur représentation pour la postérité.

Les éléments du décor sont en revanche plus conventionnels chez Jean Valade, comme le bureau plat d’André-Charles Boulle de 1710, meuble emblématique de l’ébéniste et fondeur le plus connu du XVIIIe siècle, tout comme la pendule surmontée d’un Amour surmontant le Temps. L’idée est ainsi d’incarner un univers somptueux, créé par un goût éclairé. Cependant, il faut noter que ce même secrétaire, cette même pendule et ce même décor se retrouve dans le portrait de M. Carré (cf. notice consacrée au portrait), ce qui laisse à penser que le peintre propose une forme de composition au commanditaire avec ses propres modèles pour les accessoires et les décors.

On comprend aussi pourquoi Denis Diderot ne tenait pas le peintre en estime, le considérant comme « un bien pauvre peintre » (Salon de 1769), non seulement parce qu’il exerce une activité parallèle de marchand, mais aussi parce que l’usage d’un procédé répétitif ne valorise guère l’art du peintre. Il réalise ses tableaux les plus connus dans les années 1760, avec notamment les portraits de Pierre et Elisabeth Faventines. Il devient une pastelliste rococo très connu auprès d’une clientèle d’aristocrates et de financiers entre 1750 et 1770, qui lui rapportent de substantiels revenus.

Oeuvre à la loupe

Autrice de la notice

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Morwena Joly-Parvex

Conservatrice du patrimoine

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