Art & Architecture
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Découvrez un original portrait de famille.
Né en 1710 à Poitiers, Jean Valade rejoint Paris à l’âge de 29 ans. Son agrément en 1750, puis son admission à l’Académie royale de peinture et de sculpture quatre ans plus tard, témoignent de sa parfaite intégration dans le milieu des artistes parisiens. Ancien élève de Charles-Antoine Coypel, alors Premier peintre du roi, Jean Valade est par la suite nommé peintre ordinaire du roi, et se voit attribuer une rente par le duc d'Orléans.
Au fil des années, le peintre se constitue une clientèle de nobles et d'aristocrates qui le sollicitent principalement pour des portraits, exécutés soit au pastel soit à l’huile, ce qui le distingue des deux grands pastellistes du XVIIIe siècle, Quentin de La Tour et Jean-Baptiste Perroneau. Il réalise ses tableaux les plus connus dans les années 1760, avec notamment les portraits de Pierre et Élisabeth Faventines, issus d'une riche famille de marchands. L’art de Jean Valade est vivement critiqué par Denis Diderot, qui lui reproche son activité parallèle de marchand. À l'occasion du Salon de 1769, il déclare à propos de l’artiste qu’il « n'est pas un peintre pauvre mais un bien pauvre peintre, parce qu'on ne saurait faire deux métiers à la fois. »
Certes, Jean Valade ne possède pas l’art de rendre les finesses psychologiques de ses personnages, mais exécute ici un portrait de famille original, témoin des aspirations sociales de ses commanditaires. Un des enfants dessine, l’autre tient une partition de musique, dans un intérieur marqué par les arts et les lettres, comme l’indique le bureau plat d’André-Charles Boulle de 1710, meuble emblématique de l’ébéniste et fondeur le plus connu du XVIIIe siècle, tout comme la pendule surmontée d’un Amour surmontant le Temps. L’idée est ainsi d’incarner un univers certes somptueux, mais marqué par un goût éclairé. Cependant, il faut noter que ce même secrétaire, cette même pendule et ce même décor se retrouve dans le portrait de M. et Mme de Faventines, ce qui laisse à penser que le peintre propose une forme de composition au commanditaire avec ses propres modèles pour les accessoires et les décors.
Le père de famille ici représenté, François-Charles Carré, seigneur de Candé, est conseiller-secrétaire du roi, président trésorier de France au bureau des finances et chambre du domaine de la généralité de La Rochelle, où il se fait bâtir un hôtel dénommé aujourd’hui Carré de Candé. Son frère ainé, Jean-Antoine Carré, sieur de Saint-Gemme, est également conseiller secrétaire du roi, tout comme Louis-Charles Carré, écuyer, sieur des Varennes. Les Carré possèdent indivisément une très grande sucrerie au Quartier-Morin à Haïti, qui leur vient de leur père, négociant rochelais. Bordeaux, Nantes, La Rochelle sont les villes de France, avec Marseille depuis 1760, où les intérêts sont intimement mêlés à ceux que les colons avaient laissés aux Antilles.
Ce portrait vient ainsi consacrer l’ascension d’une famille dont les charges de secrétaire du roi, sont à elles seules un indice sérieux de leur richesse et aussi de leur récente sortie de la bourgeoisie marchande.
Georges Debien, « Le Club des colons de La Rochelle (septembre 1789-octobre 1790) », Revue d'histoire des colonies, tome 43, n°152-153, 1956, p. 338-368.
Jean Valade, Peintre ordinaire du roi, 1710-1787, Musée Sainte-Croix, 22 juin - 31 août 1993, Poitiers, Musées de la ville de Poitiers et de la Société des antiquaires de l'Ouest, 1993.
Neil Jeffares, Dictionary of pastellists before 1800, Online edition, Jean Valade.