Art & Architecture
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Partez à la découverte des portraits de la reine de France, épouse de Louis XV.
Marie Leszcynska (1703-1768) est une princesse polonaise, seconde fille de Stanislas Ier Leszczynski et de Catherina Opalinska, qui connaît l’exil dès son plus jeune âge alors que son père est chassé du trône de Pologne. Grâce au soutien du Régent, Philippe d’Orléans, la princesse de Pologne se réfugie à Strasbourg en 1720 avec ses parents. Marie Leszczynska reçoit une éducation soignée : elle maîtrise le polonais, le français, l’allemand et le latin et s’avère être une grande amatrice de musique et de peinture.
Le Régent meurt en 1723 laissant le duc de Bourbon, cousin du jeune Louis XV, au pouvoir. Ce dernier, devenu Premier ministre, annule le mariage prévu entre le roi de France et l’infante Marie-Anne-Victoire d’Espagne. La petite Marie-Anne-Victoire trop jeune pour se marier et pour donner des enfants au roi. Les maladies répétées du roi Louis XV, poussent à une union rapide, et le choix se porte finalement sur la princesse polonaise. Cette alliance ne plait pas à la Cour de France, où certains envisageaient un mariage avec une princesse européenne de plus haut rang. Néanmoins, cette union promet à la couronne de France le retour du duché de Lorraine à la mort du père de la future reine.
Le portrait de la future épouse de Louis XV n’a pas laissé indifférent le Roi de France – Marie Leszczynska dévoile des cheveux châtains, un front élevé et des yeux bruns vifs. L’union est finalement décidée (1725) et plus de dix naissances viennent en dix ans, avant que le roi ne la délaisse pour la marquise de Pompadour, favorite en titre, qui devient alors la femme la plus influente de la cour royale.
Un rare portrait d’elle dans sa jeunesse est conservé à Stockholm (musée national, Château de Gripholm) par le peintre suédois Johan Starbus, exécuté en 1712 alors qu’elle n’a que 9 ans. Ses traits juveniles se retrouvent encore dans le portrait en buste du château de Bussy-Rabutin, exécuté dans sa jeunesse probablement juste avant son mariage. Le portrait est intimiste, à la différence des grands portraits d’apparat où elle est royalement mise en scène, comme dans celui de d’Alexis Simon Belle (1674-1734), daté de 1726 conservé au château de Versailles. Le portrait de l’atelier de Jean-Baptiste van Loo (1684-1745), d’après Alexis-Simon Belle, conservé musée du château de Blois, permet de vérifier la fidélité du rendu des traits du visage du modèle vers 1725-1730.
Dans ces portraits d’apparat, comme dans celui en pied de Jean-Baptiste Van Loo (1684-1745), la souveraine porte une robe de brocard, une coiffure richement ornée de perles et de pierres précieuses. Le corps de baleine rigide, ajusté et allongé en pointe devant rappelle davantage la mode ostentatoire des années 1680, inscrivant le portrait dans la filiation des portraits d’apparat sous Louis XIV.
Dans le portait de Bussy, seul le manteau bleu avec les fleurs de lys et de l’hermine rappelle son appartenance à la maison royale. Elle ne porte ni bijoux, ni pierreries sur sa robe, mais une étoffe argentée et brodée de fleurs, faisant écho à sa coiffure. Le corps de baleine n’est plus en pointe, un drapé souple vient souligner la taille, correspondant davantage à la mode des années 1720. Un grand collet de dentelle court le long de l’échancrure du décolleté. Les manches sont encore courtes et bouffantes, font apparaître la chemise garnie de dentelles. Le sobre fond noir fait ressortir l’éclat du teint de la jeune femme, probablement à la veille de son mariage, en sobre Flore, sans affèterie.
Le fond noir duquel se détache le modèle, le teint très fondu, ainsi que l’ombre portée du nez, sont caractéristiques des portraits de Jean-Baptiste van Loo (1684-1745), un peintre français né et élevé dans une dynastie de peintres d'origine néerlandaise. Ce dernier exécute au cours de ces mêmes années un portrait du roi Louis XV (1723) mais aussi, vers 1725 un portrait en pied de la Reine (Versailles, musée du château) et de nombreuses versions dérivées (Genève, musée d’art et d’histoire). Jean-Baptiste van Loo est l’un des peintres favoris du Régent, et Louis XV l’admire également et lui passera commande de deux portraits en pied (1724 et 1727). Il est agréé puis reçu à l’Académie Royale de peinture successivement en 1722 et 1731. Le peintre part à Londres entre 1738 et 1742 et se retire ensuite définitivement à Aix. Jean-Baptiste forme son jeune et très talentueux frère Charles-André (dit Carle), adulé par madame de Pompadour, ainsi que ses deux fils Louis-Michel, devenu premier peintre du Roi d’Espagne et Charles-Amédée, qui sera celui du Roi de Prusse.
Georges Lafenestre, « Le portrait de Marie Leczinska par Carle Van Loo (musée du Louvre) », Revue de l'art ancien et moderne, t. II, septembre 1897, p. 137-141.
Lucretia de Planta, « Essai de reconstitution de la collection de Roger de Rabutin, comte de Bussy, au château de Bussy-le-Grand », mémoire de Maîtrise, Paris IV-Sorbonne, 1989-1991 p. 59-60, 64-66, 69, 72-73.
Xavier Salmon, Parler à l’âme et au cœur. La peinture selon Marie Leszczynska, cat. exp., château de Fontainebleau, 18 juin-19 septembre 2011, Paris, Faton, 2011.
Jean-Baptiste-César comte de Sarcus, Notice historique et descriptive sur le château de Bussy-Rabutin, Dijon, 1854, p. 71.