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Allégorie de la Force et de la Tempérance par Jean-François de Troy

Partez à la découverte de la peinture allégorique du XVIIIe siècle

Présentation de l'oeuvre

Jean-François De Troy (1679-1752), Allégorie de la Force et de la Tempérance. Huile sur toile, 86 x 133 cm. Château d’Aulteribe (Sermentizon)

© Hervé Lewandowski / CMN

En dépit de l’inscription présente au revers du tableau d’Aulteribe, portant la mention « la justice et l’innocence », Christophe Leribault et Alastair Laing  notent que si l’épée et le lion caractérisent indéniablement la Force, l’attribut que porte l’autre figure serait plutôt le mors de la Tempérance. Le choix de ces deux vertus cardinales suggère l’existence d’un probable pendant qui représenterait la Prudence et la Justice. En effet, de nombreux pendants de de Troy ont disparu, ou sont inaccessibles aujourd’hui.

Jean François de Troy est un peintre doté de tous les talents, aussi bon portraitiste qu’auteur de sujets historiques, mythologiques ou religieux, compositeur également d’élégantes scènes de genre montrant des personnages à la mode de leur temps, évoluant dans des parcs ou des intérieurs. Il a été considéré par ses contemporains comme l’un des peintres les plus importants de l’histoire française.

lssu d’une famille de peintres, son père est le portraitiste François de Troy (1645-1730), qui a été son premier professeur. Après avoir échoué au Prix de Rome, il rejoint son père en Italie de 1699 à 1706, puis est admis à l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1708. En 1738, il est nommé directeur de l’Académie française à Rome et y réside le reste de sa vie.

Il se fait d’abord connaître par une riche clientèle de financiers, contrairement à son rival, François Lemoyne, qui travaille pour le roi. Son célèbre Déjeuner d'huîtres (1735, Musée Condé, Chantilly) a fait oublier que le peintre a davantage été un adepte du grand style qu’un peintre de genre.

Son œuvre compte nombre de grandes compositions historiques et allégoriques, ainsi que de nombreux portraits ou des scènes de genre ou galantes, marquant un changement important dans le répertoire de la peinture française à partir des premières décennies du XVIIIe siècle. Néanmoins il poursuit également la tradition de la peinture d’histoire et de scènes mythologiques, qui sont exécutées dans un style coloré et fluide, redevable à la fois Véronèse et Peter Paul Rubens. Un exemple caractéristique de son style est son allégorie du Temps dévoilant la Vérité (1733, National Gallery, Londres).

Si les allégories sont encore prisées en ce début du XVIIIe siècle, notamment pour leur aspect décoratif, elles sont progressivement moins goûtées, à la faveur des critiques formulées par de l’Abbé du Bos et de Denis Diderot. Dans ses Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture (1719), l’abbé Du Bos (1670-1742) explique que le dispositif allégorique fonctionne comme enveloppement du sens, il s’agit d’une sorte de « mot d’esprit » qui la rend incompréhensible et, pour cette raison plus que pour tout autre, elle doit être évitée dans les arts.

L’allégorie tombe dans un progressif discrédit tout au long du XVIIIe siècle. Diderot reprend les critiques de Du Bos dans ses commentaires des Salons de peinture à partir des années 1750, dénonçant particulièrement les allégories communes : « Une allégorie sublime, n’est bonne qu’une fois. C’est un bon mot usé, dès qu’il est redit ». Cependant, le genre perdure et doit manifestement obtenir quelque succès chez les commanditaires ou acheteurs. Au salon de 1765, Louis-Jean-François Lagrenée (1725-1805), alors que Jean-François de Troy est mort depuis plus de dix ans, expose encore deux tableaux allégoriques qui se faisaient pendant, La Justice et la Clémence et La Bonté et la Générosité.

Oeuvre à la loupe

Pour aller plus loin

Christophe Leribault, Alastair Laing, Jean-Franc̦ois de Troy, 1679-1752, Paris, Arthéna, 2002.

Autrice de la notice

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Morwena Joly-Parvex

Conservatrice du patrimoine

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