Art & Architecture
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Découvrez le rare portrait d'une femme de lettres auteur des Maximes chrétiennes.
Marguerite Hessein (1636-1693), fille d’un riche banquier, est née dans l’élite huguenote de Paris et devient une des grandes salonnières du XVIIe siècle à Paris. Par son mariage en 1654 avec un riche financier huguenot, Antoine de Rambouillet de la Sablière, régisseur des domaines du roi, elle devient Madame de la Sablière.
C’est à la Folie-Rambouillet qu’elle accueille de nombreuses personnalités comme Madame de La Fayette, Ninon de Lenclos, Molière, le duc de Nemours, Racine ou encore la marquise de Sévigné. Son nom est associé à celui de Jean de la Fontaine, qu’elle a protégé, et qui lui dédie une fable en 1678, Les Deux Rats, le Renard et l’Œuf, qui s’accompagne d’un Discours à Mme de la Sablière, dans lequel il conteste la philosophie de Descartes, en particulier la théorie mécaniste de la nature animale. Lors de son discours inaugural en tant que membre nouvellement élu de l’Académie française en 1684, La Fontaine rend hommage à sa protectrice sous le pseudonyme d’Iris.
Protectrice des arts et des lettres, la dame de Rambouillet écrit des Maximes chrétiennes, publiées après sa mort, recueil d'observations sur la vie morale, centrées sur les vertus, les vices et les passions. La maxime est un genre littéraire très prisé des salons de l'époque, qui se délectent des épigrammes décortiquant les contradictions du cœur humain.
Elle se convertit au catholicisme quelques mois avant la révocation de l’Edit de Nantes et part s’occuper des malades. Retirée de la vie de salon, elle meurt au couvent des Feuillants en 1693. Sa bibliothèque personnelle, inventoriée au moment de sa mort, contient des volumes de Descartes, Malebranche, Marc Aurèle, Epictète et Saint Augustin. En dépit des instances de ses directeurs spirituels, madame de La Sablière refuse d'abandonner son télescope bien-aimé jusqu'aux dernières semaines de sa vie. Elle continue à observer les mouvements des étoiles et des planètes depuis son appartement et à confier ses observations dans un carnet.
Le portrait conservé au château de Bussy-Rabutin présente Marguerite Hessein au sein d’un paysage naturel et dans une pose dynamique, pointant du doigt l’horizon, laissant flotter la gaze accrochée à la chevelure et relevant un pan de sa robe afin de faciliter sa marche. Sa robe de soie bleue brodée de fils d’or et de perles, d’une très belle facture, offre une multitude de reflets grâce aux plis.
Henri et Charles Beaubrun sont des peintres français actifs à la cour des rois Louis XIII puis Louis XIV et spécialisés dans les portraits des reines de France. Charles et son cousin, Henri Beaubrun, appartiennent à une famille de portraitistes français du XVIIe. Les cousins collaborent entre 1630 et 1675, peignent non seulement de nombreux portraits royaux officiels, mais connaissent aussi un grand succès auprès des dames de la cour. Leur collaboration est telle qu'il est impossible de différencier leur apport respectif. La clarté de la carnation de la jeune femme, au teint de porcelaine, l’idéalisation des traits caractéristique des peintres ainsi que la pose au mouvement formel, font sans conteste pencher vers l’atelier des frères Beaubrun.
Ce type de portrait, à la pose plus naturelle, annonce l’évolution du genre au XVIIIe siècle. Les frères Beaubrun, Henri et Charles, en exécutent du reste une version très similaire en Diane, qu’on a longtemps présumé être Mademoiselle de Blois. Au côté du portrait conservé au château de Chambord, le portrait de Madame de la Sablière conservé à Bussy-Rabutin est rare, et peu de portraits peints de cette femme de lettres subsistent, hormis celui en Diane exécuté par Louis Ferdinand Elle l’Ainé, aujourd’hui en mains privées.
Lucretia de Planta, « Essai de reconstitution de la collection de Roger de Rabutin, comte de Bussy, au château de Bussy-le-Grand (Côte d'Or) », mémoire de Maîtrise, Paris IV-Sorbonne, 1989-1991 pp.59-60, 64-67, 72-73.
Jean-Baptiste-César, comte de Sarcus, « Notice historique et descriptive sur le château de Bussy-Rabutin" », Dijon, 1854 p. 54.
J. Wilhelm, « Quelques œuvres oubliées ou inédites des peintres de la famille Beaubrun », Revue de l'Art, 1969 pp. 19-32 (p. 29-30) | n° 5