Art & Architecture
article | Temps de Lecture4 min
Art & Architecture
article | Temps de Lecture4 min
Partez à la découverte de la célèbre histoire de la célèbre histoire de Phaéton.
Le peintre, également appelé Jean-Baptiste Jouvenet, dit « le grand », naît en 1644 à Rouen. Il est issu d’une grande famille d’artistes, dont il sera le plus brillant représentant. En 1661, à peine âgé de 17 ans, il se rend à Paris et devient l’élève de Charles Le Brun (1619-1690) qui travaille alors aux grandes commandes du roi. Jouvenet collabore ainsi à d’importants chantiers de décoration au château de Saint-Germain, à la galerie des Tuileries, puis à Versailles.
Bien qu’il ne soit jamais allé en Italie, son art est confronté à l’influence italienne grâce à Le Brun. Reçu à l’Académie royale en 1675 sur présentation d’Esther et Assuérus (musée de Bourg-en-Bresse), Jean Jouvenet peint des scènes mythologiques et décoratives, pour Versailles mais aussi pour des hôtels particuliers à Paris. Il excelle dans l’exécution des plafonds, qui lui permettent de jouer, comme ici, avec les effets de perspective. Il en a peint un grand nombre pour des hôtels particuliers parisiens, mais aussi pour le parlement de Bretagne, à Rennes, en 1695. Ce « départ de Phaeton » conservé au château de Maisons fait partie de ces commandes de particuliers pour leurs châteaux, en l’occurrence Jean de Longueil, probablement après la mort de son père René, vers 1677. À partir de 1687, Jean-Baptiste Jouvenet obtient souvent des commandes de Louis-François Ier de Bourbon, Prince de Conti (1717-1776). Mazarin lui confie également la décoration du château de Véretz (1690).
L’histoire de l’infortuné Phaéton, qui occupe une place importante dans le recueil des Métamorphoses d’Ovide (Ier siècle ap. J.-C.), est l’objet d’une iconographie abondante. L’épisode de sa chute, et non comme ici celui de son départ sur le char du Soleil, est particulièrement représenté. Son histoire sert d’exemplum dès la Renaissance afin d’illustrer les périls de la présomption. Phaéton, fils de Clyméné et Phébus, pense qu’il est de filiation divine. Il se rend au palais du Soleil, son père, auprès de qui il sollicite des gages qui attesteraient de ses origines. Ce dernier lui accorde de conduire son char pendant une journée. Les chevaux fougueux s’élancent dans le ciel, et Phaéton perd rapidement la maîtrise de son attelage qui se précipite vers la Terre, incendiant tout sur son passage. Il meurt foudroyé par la colère de Zeus.
Un dessin préparatoire à ce tableau, non daté, est conservé à la Yale University Art Gallery (New Haven). La gestuelle de Charles le Brun, lui-même influencé par Rubens, influence le style de Jouvenet. Il crée des effets théâtraux grâce au mouvement des drapés, tout en gardant une fraîcheur dans les tonalités. Ce type de traitement emphatique est alors très apprécié par le roi. La figure du cheval est ici particulièrement remarquable, exprimant bien la fougue voire la quasi-folie de l’animal.
L’histoire Phaéton a profondément marqué les esprits au point d’engendrer de célèbres métaphores littéraires. On songe à l’esprit-cheval décrit par Montaigne dans son essai « De l’oisiveté » (I, 8). Au cours de son expérience personnelle de l’otium, il compare son esprit à un « cheval eschappé » qui engendre « chimeres et monstres fantasques les uns sur les autres, sans ordre, et sans propos ». D’où la nécessité de prendre la plume, de reprendre ses pensées la « bride en main ». La métaphore de la bride apparaît également explicitement chez Descartes dans les Méditations métaphysiques (1641) : « mon esprit est un vagabond qui se plaît à m’égarer, et qui ne saurait encore souffrir qu’on le retienne dans les justes bornes de la vérité. Lâchons-lui donc encore une fois la bride... »
Antoine Schnapper and Christine Gouzi, Jean Jouvenet 1644-1717 et la peinture d'histoire à Paris, Paris, Arthena, 2010.