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La « Grande Mademoiselle » par Louis Ferdinand Elle l’Aîné

Découvrez l'extravagante cousine germaine de Louis XIV.

Présentation de l'oeuvre

Louis Ferdinand Elle l’Aîné (1612-1689), Anne-Marie-Louise d'Orléans, dite la « Grande Mademoiselle » (1627-1693), 1678. Huile sur toile, 109 x 90 cm. Château de Cadillac

© Pascal Lemaître / Centre des monuments nationaux

Anne Marie Louise d’Orléans, appelée la « Grande Mademoiselle », est la fille de Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII, et de Marie de Bourbon, petite-fille du roi Henri IV. Cousine germaine de Louis XIV et princesse fortunée en raison de ses très nombreux titres, terres et seigneuries, elle prend une part active à la Fronde.

Cette erreur lui coûte la couronne de France. Bien qu’elle soit cousine de Louis XIV, Mazarin a en effet sérieusement pensé à l’unir au jeune roi. Exilée dans sa terre de Saint-Fargeau, elle n’est rappelée à la cour qu’en 1657. En 1670, à l’âge de 42 ans, elle tombe amoureuse du futur duc de Lauzun, mais n’obtient pas de Louis XIV la permission de l’épouser avant 1681. Peu de temps après cette union, le duc se lasse de sa femme et les époux se séparent en 1685, provocant un scandale comme la cour les aime, relaté par les écrits de La Rochefoucauld, du cardinal de Retz ou ceux de madame de Sévigné.

Dans ce portrait, la « Grande Mademoiselle » est représentée avec un somptueux corset incrusté de perles, et un large décolleté typique de la mode à la cour dans les années 1670, tout comme la coiffure « à la Sévigné » avec ses boucles à l'anglaise, surmonté d’un ample chapeau à plumes. Le cadre est quant à lui bucolique, en vogue chez les Précieuses, comme elle en atteste sa lettre à Mme de Motteville datée du 14 mai 1660, où elle évoque les bienfaits du repos champêtre, à la fois élégant et littéraire, digne de l’Astrée. Ce type de décor se retrouve dans un autre portrait d’Anne-Marie d’Orléans par Ferdinand Elle Louis l'Ancien (Turin, galerie Sabauda).

Les Elle, dits « Ferdinand », sont une famille de peintres d’origine flamande actifs à Paris de 1601 à 1695, puis à Rennes de 1696 à 1717. Louis Elle le Père (1612-1689) et Pierre Elle (1617-1665) se font également appeler « Ferdinand », tout comme leur fils et neveu, Louis Elle le Jeune (1649-1717). En 1648, l’entrée de Louis Elle le Père à l’Académie royale de peinture et de sculpture, parmi les membres fondateurs, marque pour l’atelier le début d’une période brillante, qui culmine avec l’accession de Louis Elle le Jeune à l’institution, en 1681. Celle-ci s’interrompt avec la révocation de l’édit de Nantes, en 1685. La résistance de la famille conduit à l’exil d’une partie de ses membres, les autres, comme Louis Elle le Jeune, faisant l’objet d’une très étroite surveillance policière jusqu’à leur conversion au catholicisme.

La clientèle du peintre est celle de membres de la cour, d’où une production majoritaire de portraits. Certains d’entre eux, aux estimations basses, sont destinés à la vente publique, tandis que d’autres sont des œuvres de commande, ce qui est le cas du portrait de la Grande Mademoiselle, inventorié en 1678, dont il existe plusieurs copies (vente Tajan, Drouot-Richelieu, Paris, 18.12.2000).

Ferdinand Elle est contemporain du célèbre peintre flamand Frans Pourbus, et poursuit comme lui la tradition flamande du portrait : ses personnages aux poses élégantes témoignent de l’influence de van Dyck, portraitiste flamand lui aussi, installé à Londres. Louis Ferdinand Elle s’est partagé avec les frères Beaubrun les commandes des portraits du milieu des précieux, mais aussi de la famille royale, comme en témoigne le portrait passé en vente publique (Vente Koller, Zürich, 1999) de la « Grande Mademoiselle » par Henri Beaubrun ou encore le portrait conservé au musée Carnavalet.

Ferdinand Elle Louis, l'Ancien (1612-1689), Anne-Marie d’Orléans (1627-1693), duchesse de Montpensier. Turin, galerie Sabauda

© Archives Alinari, Florence, Dist. RMN-Grand Palais / Mauro Magliani

Atelier de Charles et Henri Beaubrun (1603-1677), Portrait de la Grande Mademoiselle (1657-1693), vers 1660. Huile sur toile, 130 x 98 cm. Paris, musée Carnavalet

© Paris musées

Oeuvre à la loupe

Pour aller plus loin

Élodie Vaysse, « Les Elle « Ferdinand », la peinture en héritage. Un atelier parisien au Grand Siècle (1601-1717) », thèse de l’école des Chartes, 2015.

Autrice de la notice

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Morwena Joly-Parvex

Conservatrice du patrimoine

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