Art & Architecture
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Découvrez une iconographie mise à la mode par la tragédie de Racine
Esther, personnage de la Bible hébraïque et de l’Ancien Testament chrétien, est une figure féminine héroïque qui sauve son peuple persécuté par les hostilités d’Aman, ministre du roi de Perse. Le thème a été popularisé à la cour par la tragédie de Racine, écrite en 1689 à la demande de Mme de Maintenon, pour les jeunes filles nobles éduquées à la Maison royale de Saint-Louis à Saint-Cyr. La tragédie obtient un grand succès mondain, Esther se révélant, au-delà de la cause de Port-Royal, expose la puissance de la Grâce : « Je leur proposai le sujet d'Esther, qui les frappa d'abord, cette histoire leur paraissant pleine de grandes leçons d'amour de Dieu, et de détachement du monde au milieu du monde même ».
Le souverain perse Assuérus a épousé Esther par amour, sans savoir qu’elle était juive. Alors que son favori, Aman, ennemi d’Esther et des Hébreux du royaume, obtient leur condamnation, Esther se présente devant le roi et s’évanouit (acte II, scène 6). Elle annonce ensuite au roi qu’elle est juive elle-même et obtient la grâce des Hébreux, tandis qu’Aman est mis à mort par le peuple.
La scène dépeinte ici rappelle le moment dramatique où Esther, en présence d’Assuero, s’évanouit devant le souverain en colère pour son audace, mais également prévenant devant l’émoi de son épouse. Esther s’évanouit dans les bras de deux servantes, tandis qu’à ses côtés Assuérus se lève du trône et, dans l’étonnement et l’inquiétude, tourne le regard vers sa femme inanimée. Avec sa main gauche, il prend le sceptre d’or qu’il place sur les épaules d’Esther, indiquant qu’il veut l’écouter. Dans le tableau original, les colonnes torses et une vaste draperie permet de théâtraliser la vue du palais d’Assuero, dispositif que l’on retrouve simplifié dans cette copie. À senestre figure Aman qui tient dans ses mains l’édit qui sera bientôt annulé, rappelant de manière théâtrale la menace imminente.
Le tableau original, conservé au musée du Louvre, est d’un format légèrement plus imposant et offre une composition inversée. Coypel présente ce tableau au Salon de 1704, après l’avoir donné à Louis XIV par l’intermédiaire du surintendant des Bâtiments, Édouard Colbert de Villarcerf, en 1697, car le roi a jugé le tableau « digne d’une place dans sa Petite Galerie, où il n’y a de tableaux modernes que Le Brun et Mignard ». En 1717-1718, Antoine Coypel a peint le carton de tapisserie d’après son tableau.
Le tableau est gravé par Jean Audran et c’est par l’intermédiaire de cette estampe, qui offre mécaniquement une composition inversée, que de nombreuses copies ont été exécutées par la suite. Cette copie est d’assez bonne facture, quoique le traitement des étoffes soient bien moins travaillées. On y retrouve cependant bien la même rhétorique des gestes, un peu figée mais très explicite pour le spectateur. La spirale dessinée par les figures placées sur un tapis formant un rond, lui-même placé sur un sol de marbre au motif circulaire est également exécutée avec moins de subtilités que dans le tableau original.
Olivier Bonfait, Béatrice Sarrazin (dir.), « Charles de La Fosse et les arts en France autour de 1700. Colloque international, 18-19 mai 2015 », Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles [en ligne].
Carl Hernmarck et Roger-Armand Weigert, L'art en France et en Suède (1693-1718). Extraits d'une correspondance entre l'architecte Nicodème Tessin le Jeune et Daniel Conström, Stockholm, 1964.
Nicole Garnier, Antoine Coypel (1661-1722), Neuilly-sur-Seine, Arthena, 1989.
Le théâtre des passions, 1697-1759 : Cléopâtre, Médée, Iphigénie, cat. exp. (Nantes, Musée des Beaux-Arts, 11 février - 22 mai 2011), Lyon, Fage éditions, 2011.
Laurent Thirouin, « Esther, figure (augustinienne) de la grâce », Courrier Blaise Pascal, 41-42, 2020, 19-39.