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Atelier d’Eustache Le Sueur, Vision de sainte Rose ou sainte Dorothée.

Découvrez un nouveau style de peinture du milieu du XVIIe siècle, que l’on nomme aujourd’hui « atticisme parisien ».

Présentation de l'oeuvre

Atelier d’Eustache Le Sueur (1616-1655), Vision d’une sainte (sainte Rose ou sainte Dorothée ?). Huile sur toile, 110x 120 cm, château d’Aulteribe (Sermentizon

© Philippe Berthé / Centre des monuments nationaux

Cette œuvre a été attribuée par les spécialistes du peintre à l’atelier d’Eustache Le Sueur. Eustache Le Sueur est l’un des grands peintres français de la première moitié du XVIIe siècle, et disciple préféré de Simon Vouet (1590-1649), premier peintre du roi, dans l’atelier duquel il entre en 1632. Le Sueur n’effectue pas le voyage en Italie et découvre donc l’art de ce pays par le biais des collections royales et par l’enseignement de Vouet.

Le retour en France de Nicolas Poussin, entre 1640 et 1642, marque un tournant dans la carrière de Le Sueur. Au contact de l’art de Poussin, il simplifie sa palette, recherche la sobriété dans les attitudes, au sein de compositions claires. Il devient alors le chef de file d’un nouveau style de peinture, que l’on nomme aujourd’hui « atticisme parisien ». Richelieu mène en effet une véritable « politique artistique », que manifeste visuellement ce nouveau courant de peinture s’accordant à la volonté classique de la cour de France.

Ce style s’oppose clairement à l’art de son ancien maître Simon Vouet, par une référence permanente à l’antique et à l’art de Raphaël. Les compositions, ordonnées simplement, restent statiques, refusent l’illusionnisme et le mouvement, si ce n’est dans les élégants drapés ou les gestes dansants des figures, car les artistes de ce courant sont tous de grands dessinateurs, aimant les formes souples. Avec la commande, en 1645, d’une suite de vingt-deux tableaux relatant la Vie de saint Bruno, pour la Chartreuse de Paris (aujourd’hui au Louvre), son inspiration austère est encore plus radicale. Cette tendance de la peinture parisienne marque profondément les bases de la pédagogie de l’Académie royale de peinture et de sculpture, dont Le Sueur fut l’un des membres fondateurs en 1648.

L’œuvre du château d’Aulteribe s’inscrit pleinement dans les recherches formelles menées par Le Sueur. Le nombre de personnages est réduit, les attitudes sont sans équivoque, l’agencement des figures est clair, de part et d’autre d’un axe diagonal. La sobriété chromatique est ici dynamisée par l’axe gris des nuées, croisé par celui de la lumière apportée par l’ange, qui vient illuminer la sainte. La palette oppose des teintes franches des rouges, des jaunes et des bleus intenses notamment qui confèrent à l’œuvre un caractère énergique.

Le tableau a été mis en relation par les spécialistes avec une description de 1653 faite par Florent le Comte faisant référence à une œuvre peinte par Le Sueur pour le « doyen de Notre-Dame » représentant « un ange qui apporte à un saint [sic] un panier plein de fleurs ». La sainte mentionnée par Le Comte serait sainte Dorothée, qui voit un ange lui offrir une corbeille de pommes et de roses du Paradis), mais la sainte a parfois été identifiée comme sainte Rose. L’œuvre d’Aulteribe est également associée à un dessin conservé au musée du Louvre daté des années 1646-1647, représentant une femme agenouillée, dans une position similaire. Cette position, celle du dessin et donc du tableau d’Aulteribe, se retrouve également dans une œuvre attribuée à l’atelier d’Eustache le Sueur représentant sainte Catherine, conservée en l’église Saint-Etienne du Mont à Paris. Le dessin du Louvre serait ainsi peut-être à l’origine de ces deux compositions de l’atelier.

Oeuvre à la loupe

Pour aller plus loin

Alain Mérot, Eustache Le Sueur (1616-1655), Paris, Arthéna, 1987, p.43 et n°R. 61.

Marguerite Sapin, « Précisions sur l’histoire de quelques tableaux d’Eustache Le Sueur », Bulletin de la Société de l’Histoire de l’Art français, année 1984, Paris, 1986, n°54.

Autrice de la notice

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Morwena Joly-Parvex

Conservatrice du patrimoine

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