Art & Architecture
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Découvrez comment l'art du coloris du premier peintre du Roi.
Ces deux huiles sur toile de dimensions identiques forment une paire, et ont été toutes deux exécutées par Louis de Boullogne II en 1707. Ces allégories ont été lues comme celle des saisons en raison des personnages représentés. Bacchus est ainsi généralement associé à l’Automne, et Vertumne – sous la figure d’une femme âgée – à l’hiver. Elles pourraient aussi appartenir à une série plus vaste sur les amours des dieux. Deux autres versions de Vertumne et Pomone, présentées comme autographes, ont été vendues chez Sotheby’s New York le 8 janvier 1981 et chez Art Curial le 9 juin 2021. Une autre est conservée au musée des Ursulines à Mâcon. Une copie de ces peintures a été réalisée dès 1709 par Pierre Paul Mérelle pour la galerie du château de Guermantes.
Alors que Nicolas Poussin et Charles Le Brun tendent à imposer un art classique fondé sur la sobriété, Louis de Boullogne II est encore très influencé par l’art italien, notamment celui du clair-obscur du Caravage, qu’il a pu étudier pendant ses années passées à Rome. Les poitrines des deux jeunes femmes sont ainsi généreusement éclairées, tandis que l’ensemble de la composition est plongé dans l’obscurité. Louis de Boullogne II appartient à la génération de peintres, comme Charles de La Fosse, Jean Jouvenet ou Antoine Coypel dont les œuvres illustrent le goût plébiscité au début du XVIIIe siècle, avec une unité picturale fondée sur le coloris. Ce primat de la couleur a fait l’objet d’un long débat au sein de l’Académie royale de peinture et de sculpture, appelé « le débat entre les poussinistes et les rubénistes », et finalement tranché en faveur des rubénistes.
Frère de Bon Boullogne (1649-1717), Louis, lauréat du prix de Rome en 1673, appartient aux membres de la grande peinture de l’époque classique. Devenu premier Peintre du roi en 1724, il est rompu aux compositions ambitieuses, participant à la plupart des grands chantiers du roi : petits appartements de Versailles, Trianon de marbre, Marly, Meudon, les Invalides… Il obtient le célèbre grand prix de Rome, rejoint l’Italie de 1675 à 1680, puis revient à Paris. Reçu membre de l’Académie royale de peinture, il y devient professeur (1694) puis directeur de l’Académie, fonction qu’il assume jusqu’à sa mort. Sa principale préoccupation a été de remettre le dessin d’après le modèle vivant au cœur de l’apprentissage des artistes, au lieu de la copie d’après les dessins d’artistes, suivant les préceptes de l’école des Carrache à Bologne. Le portrait que Pierre Gobert fait de lui est explicite quant à cet engagement primordial d’un retour à l’observation de la nature.
Son attachement au dessin d’après nature se retrouve dans les deux dessins de femme (Paris, musée du Louvre) qui présente nombre de similitudes avec la figure d’Ariane, alanguie sur un rocher, dont la chair paraît palpitante. Ce souci du naturel est complété par un usage vif et libre du trait lorsque l’artiste place une composition, comme le montre un dessin conservé au musée des Beaux-arts de Rouen, préparant la composition d’Ariane et Bacchus.
Hélène Guicharnaud et Antoine Schnapper, Louis de Boullogne : 1654-1733, Paris, 1985.