Art & Architecture
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Découvrez pourquoi l'histoire d'Artémise est liée à la mytho-histoire de Catherine de Médicis
La présence de cette œuvre au château de Cadillac évoque directement la figure de Marie de Médicis, reine de France de 1600 à 1610 par son mariage avec Henri IV, qui devient veuve en 1610 et assure la régence au nom de son fils, Louis XIII, jusqu’en 1614.
Consciente de l’importance des arts dans une stratégie de communication politique, Marie de Médicis excelle dans le développement d’une mytho-histoire sous la régence. Entre 1600 et 1610, le roi comme la reine recourent aux arts afin d’affirmer leur légitimité, mise en péril par les complots de Biron (1602) ou des Entragues (1604). A la mort du roi, la légitimité de la reine est encore davantage affaiblie, et la reine cherche une nouvelle stratégie iconographique capable de justifier l’absence physique du roi afin de faire accepter la régence (1610-1617).
La régente trouve l’appui de Nicolas Houël, qui, dans son Histoire d’Artémise, compare Artémise à Catherine de Médicis, dans la douleur de la veuve à la mort de son époux Mausole, pour lequel elle construit un mausolée somptueux. Le manuscrit de Nicolas Houel, accompagné de dessins par Antoine Caron, ainsi que les sonnets qui les accompagnent sont à l’origine du programme de la Tenture d’Artémise, esquissant un parallèle entre la vie d’Artémise II, veuve du roi Mausole et mère de Lygdamis (IVe s av. JC) et celle de Catherine de Médicis, veuve de Henri II depuis 1559.
La Tenture d’Artémise commandée par Henri IV reprend ces travaux préliminaires, et les adapte à la reine régnante, Marie de Médicis. L’un des épisodes les plus connus représente Artémise buvant dans une coupe les cendres de Mausole en signe d’amour et de fidélité. Sur le plan symbolique, la reine devient la nouvelle amphore cinéraire du corps royal. Par cette incorporation, la reine peut légitimement se substituer à lui dans ses fonctions.
Ce thème fait partie depuis le XVIe siècle du répertoire iconographique européen des veuves princières aspirant à la régence et que de nombreuses cours européennes reprirent, afin de légitimer l’action politique de la veuve d’un roi. Plusieurs reines veuves acquièrent des tableaux ou des tapisseries sur ce thème : Henriette d’Angleterre, Louise de Coligny, veuve de Guillaume d’Orange ou Élisabeth de Bohême, veuve de Frédéric V.
Ambroise Dubois, né à Anvers vers 1543, mort à Fontainebleau en 1614 ou 1615, est un peintre français d'origine flamande, de la seconde école de Fontainebleau. Formé dans le milieu des peintres maniéristes d’Anvers dans la seconde moitié du XVIe siècle. Au service d’Henri IV et de Marie de Médicis, la grande majorité de son œuvre connue se trouve au château de Fontainebleau.
La composition de scène est claire et narrative : à gauche, les ossements sont brûlés afin d’être ingérés, tandis qu’au centre, Artémise lève solennellement une coupe qu’elle s’apprête à boire. La figure de la reine est dynamisée par les arabesques du drapé, donnant une plus grande densité aux personnages.
La palette, avec ses ombres profondes et la pâleur verte du paysage en arrière-plan, rehausse la figure drapée d’un rouge éclatant, contrastant avec des couleurs secondaires, le vert et le mauve. La figure féminine au front haut et au nez plongeant, est typique du maniérisme.
Sylvie, Béguin, « L'art de peinture et de sculpture d'Ambroise Dubois », La Revue du Louvre et des Musées de France, 1979, 3, p. 229-233.
Barbara Gaehtgens, « L’Artémise de Gérard van Honthorst ou les deux corps de la Reine », Revue de l’Art, 1995, n° 109.
Yann Rodier, « Marie de Médicis et les représentations symboliques d’une Reine de Paix ou le faire voir, faire croire de la Régence (1610-1617) », Europa Moderna. Revue d'histoire et d'iconologie n°2 / 2011. L’Après Henri IV. p. 78-108.
Stanislas Wirth, Ambroise Dubois : un maître de l'Ecole de Fontainebleau, Paris, Hayot, 2022.