Art & Architecture
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Partez à la découverte d'un Orphée néoclassique, amoureux tragique.
L’intérêt suscité par le mythe d’Orphée est constant du XVIe au XIXe siècle. C’est ici l’amoureux tragique qui est évoqué, et non le héros antique participant à la conquête de la toison d’or, pas plus que le poète divin, comme cela sera fréquemment le cas dans la génération des peintres romantiques.
Orphée descend aux enfers pour y chercher son épouse, la nymphe Eurydice, mordue par un serpent le jour de leurs noces. Grâce à la puissance de son chant, il obtient des divinités des enfers de pouvoir accéder au monde des morts, mais surtout de pouvoir repartir avec Eurydice. Cette catabase est un échec puisqu’Orphée désobéit aux en se retournant afin d’apercevoir Eurydice et la perd ainsi une seconde fois.
Le sujet est ici traité selon les codes de la peinture néoclassique : le dessin est clair, les lignes sont accentuée par les ombres, les poses sont figées à la manière des bas-reliefs antiques, les chairs de porcelaine idéalisent les muscles... La construction pyramidale est à peine mouvementée par une succession de drapés. Le solennel domine dans ce tableau ouvrant sur un haut couloir rougeâtre menant vers les Enfers, derrière les trois Parques.
Les dimensions imposantes de ce tableau le font remarquer au Salon 1808, où il est exposé en plein triomphe de l’esthétique néoclassique. C’est précisément lors de ce Salon que Jacques-Louis David, peintre néoclassique par excellence, est nommé officier de la légion d’honneur. Le tableau Charles Boulanger de Boisfrémont est également remarqué par l’Empereur, qui le prime d’une médaille d’or. Charles Landon, fameux commentateur du Salon, s’enthousiasme devant sa figure d’Orphée « seul, livré au désespoir, suppliant, incertain de son sort » et le fait que le peintre « en quelque sorte, entouré de flammes le trône de Pluton, les reflets brillants dont il fait usage donnent à l’effet général beaucoup d’éclat et d’harmonie ».
Boulanger de Boisfremont est formé d’abord à Rouen puis en Italie pendant la tourmente révolutionnaire qui le pousse à l’exil. Lors de son retour à Paris, il se lie d’amitié avec Pierre-Paul Prud’hon, artiste qui se tient à l’écart de l’influence écrasante de Jacques-Louis David, et qui influence grandement son style comme le montre La Justice et la Vengeance divine poursuivant le crime, tableau de Prud’hon lui aussi exposé au Salon de 1808. Les deux artistes ont en partage l’art de l’allégorie à la fois poétique et puissante, mais qui apparaît froide et sans vie à force d’idéalisation.
Celui qui renouvelle profondément la vision de l’antique expose aussi au Salon de 1808 : il s’agit d’un élève de David, Anne-Louis Girodet De Roussy-Trioson. Sa toile elle aussi monumentale, les Funérailles d’Atala, est bien empreinte de la puissance marmoréenne chère au néo-classicisme, mais préfigure les débuts romantisme, avec un héros animé par la passion, les mèches de cheveux éparses, la puissance musculature naturaliste.
À partir du Salon de 1808, les commandes affluent et le peintre se constitue une clientèle fidèle qui apprécie ses scènes mythologiques. Le goût de la maréchale Lannes pour les œuvres de Prud’hon étant certain, puisqu’elle possède plusieurs de ses œuvres au château de Maisons, on peut supposer que c’est par ce biais que le tableau arrive au château.
Clément Eugene Hellis, Notice historique et critique sur M. Boulanger de Boisfremont, peintre d’histoire, membre de l’Académie de Rouen, Rouen, Impr. D’Emile Periaux, 1838.