Art & Architecture
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Découvrez le célèbre motif pictural du pont d'Auguste à Narni.
Jean-Victor Bertin est à ses débuts élève de Gabriel-François Doyen (1785) au sein de l’Académie royale de peinture, avant de poursuivre sa formation auprès de Pierre-Henri de Valenciennes, grand artiste et théoricien de la peinture paysage. Sous son influence, Bertin devient très actif dans la défense du « genre » du paysage, à l’époque toujours considéré comme un genre mineur dans la hiérarchie de l’Académie. Il propose même à celle-ci la création d’un prix spécifique pour le « paysage historique » dès 1801, proposition qui n’est adoptée que seize années plus tard, en 1817.
Il expose régulièrement aux Salons de 1793 à 1842 et obtient plusieurs récompenses au cours de sa carrière. Bien que rattaché au courant classique, Jean-Victor Bertin fait évoluer sa technique picturale tout au long de son travail. Une nouvelle génération de peintres paysagistes se forme dans son atelier comme Camille Corot, Léon Fleury, Jean-Charles-Joseph Rémond et Jules Coignet.
En dépit de cette ouverture esthétique, le paysage exécuté vers 1818 dans le cadre d’une commande décorative, est marqué par un classicisme très présent au regard de l’œuvre de Jean-Joseph-Xavier Bidauld, qui conçoit vers 1790 un Paysage de Narni avec le pont d’Auguste (collection particulière) bien plus précis dans ses notations réalistes et beaucoup plus vifs dans les contrastes des coloris. La version qu’en livre Camille Corot en 1826, exécutée lors d’un séjour de jeunesse en Italie, sert ensuite de modèle pour la composition plus grande et plus achevée de la Vue à Narni, exposée au Salon de 1827, actuellement conservée à la Galerie Nationale du Canada, à Ottawa. Cette version en hauteur accentue la fraîcheur de la peinture de plein air. Le motif du pont de Narni fait ainsi l’objet d’une réflexion picturale entre la référence classique des ruines du règne d’Auguste et les recherches de cette nouvelle génération de paysagistes.
Jean-Victor Bertin reprend le thème du célèbre Pont d’Auguste, dans un paysage néoclassique typique, dans une composition que l’on trouve dans d’autres œuvres (Vente Sotheby’s, New York, 27. 01. 2011) avec une facture émaillée et des tonalités bleu lavande, très douces, à l’arrière-plan, à peine animée par des nuages et une cascade. Si le peintre campe des personnages pittoresques, rappelant la réalité de l’Italie, dans l’ombre dextre du tableau, il peint, à senestre, un cavalier improbable, muni d’une lance, émergeant des flots, telle une figure mythologique vêtue de vêtements modernes, lointain modèle hérité de Nicolas Poussin ou de Claude Lorrain. Jean-Victor Bertin répond aux exigences du paysage historique ou « héroïque », fondé sur l’imagination et la recomposition de la nature en atelier.
Suzanne Gutwirth, « Jean-Victor Bertin (1767-1842). Un paysagiste néoclassique, » thèse de l’École de Louvre, Paris, École du Louvre, 1969.
Suzanne Gutwirth, « Jean-Victor Bertin, un paysagiste néoclassique (1767-1842) », Gazette des beaux-arts, no LXXXIII, mai-juin 1974, p. 337-35.