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Une Joyeuse compagnie de Louis de Caullery

Partez à la découverte du genre de la "Joyeuse compagnie"

Présentation de l'oeuvre

Attribué à Louis de Caullery (1580-1621), Joyeuse compagnie, début du XVIIe siècle. Huile sur bois, 48 x 69,7 cm. Château d’Aulteribe (Sermentizon)

© Philippe Berthé/Centre des Monuments nationaux.

Les scènes dites de « joyeuses compagnies » jouissent d’une vogue éphémère au cours des quelque trente premières années du XVIIe siècle en Hollande. Au sein de la calviniste République hollandaise, où les valeurs liées au travail sont importantes, le temps des loisirs demeure rare. Il est en retour connoté de manière très positive et de ce fait, les « joyeuses compagnies » ont été un temps pour les peintres de genre un thème aussi important que le travail.

Elles figurent des groupes d’hommes et de femmes jeunes, élégamment vêtus, dansant ou attablés, jouant de la musique, mais illustrent parfois les excès avec une condamnation morale implicite. La société calviniste de la République réprouve en effet sévèrement les vêtements voyants, les excès alimentaires, l’oisiveté, d’où les inscriptions sévères qui accompagnent les estampes de Cornelis van Kittensteyn (1600-1638), exécutées d’après des scènes de joyeuses compagnies de Dirck Hals (1591- 1656).

Les « joyeuses compagnies » recouvrent en réalité plusieurs types de peinture : les scènes peuvent prendre place au sein d’une maison, d’un jardin ou d’une taverne, et les personnages peuvent aussi bien être élégants et évoluer dans de riches intérieurs, qu’être en train de boire en compagnie de prostituées. Dans le tableau d’Aulteribe, la « joyeuse compagnie est élégante », et célèbre les plaisirs de la sociabilité.

Les principaux artistes flamands qui ont pratiqué ce genre se nomment David Vinckboons, Frans Francken II et son oncle Hieronymus I, ou son frère Hieronymus II, Sebastian Vrancx, Louis de Caullery. Tous peignent des scènes courtoises, de petit format, où les personnages et les décors architecturaux à l'intérieur ou à l'extérieur de somptueux palais sont finement rendus.

L’œuvre d’Aulteribe peut être rapprochée du travail de Louis de Caullery, peintre né vers 1580. Après un apprentissage auprès de J. II de Momper, il devient maître de la guilde de Saint Luc d’Anvers en 1602. Très renommé à son époque comme en témoigne le nombre de ses tableaux présents dans les collections anversoises du XVIIe siècle, seules quatre peintures lui sont attribuées aujourd’hui avec certitude, celles-ci étant signées. Il s’agit d’une Adoration des mages (Stuttgart, Staatsgal), d’un Triomphe de Bacchus (Londres, vente 1979), du Carnaval dans la neige (Hambourg, Kunsthalle) et des Cinq sens (Cambrai, musée des beaux-arts). A partir de ces œuvres, une cinquantaine d’autres lui sont attribuées par analogie. Il semble ainsi être l’auteur aussi bien de peintures d’histoire que de scènes de genre mettant en scène des bals et des fêtes, aussi bien en intérieur qu’en extérieur.    

Le panneau d’Aulteribe offre des personnages aux aspects de « poupée », caractéristiques de Caullery, ainsi qu’un fin rendu des costumes, notamment les broderies presque dessinées. Les rehauts de blanc marqués au niveau des yeux et de la pointe du nez sont eux-aussi caractéristiques du peintre. Au-delà des ressemblances stylistiques, de nombreux tableaux attribués à Caullery présentent des éléments de composition identiques au panneau d’Aulteribe. Ainsi, une œuvre conservée au Boijmans van Beuningen museum de Rotterdam offre une composition assez semblable, notamment dans la disposition des personnages, dont deux sont isolés au centre tandis que des groupes galants s’organisent autour du couple, ainsi que la perspective de la salle de bal. Une autre œuvre passée en vente publique à Monaco en 2014, attribuée à Caullery, comprend le même duo central, ainsi que le couple d’enfants.

En ce qui concerne le décor de la scène, une salle de bal très similaire, présentant une même organisation des tableaux aux murs, des vitraux identiques, un lustre identique, se retrouve dans d’autres panneaux passés en vente publique (Sotheby’s, Londres, 1995 et Londres, Christie’s, 2015).

Attribué à Louis de Caullery, Joyeuse compagnie. Huile sur bois, 66.4 x 93.3 cm. Vente Christie’s, Londres,17. 06. 2015.

© Christie’s.

Louis de Caullery ou Abel Grimmer, Salle de bal de style Renaissance, 1600-1620. Huile sur bois, 74,3 x 52,5 cm, Rotterdam, Boijmans von Beuningen museum.

© Boijmans von Beuningen museum.

Oeuvre à la loupe

Pour aller plus loin

Franits, Wayne, Peinture de genre hollandaise du XVIIe siècle, Yale UP, New York, 2004.

Rosen, Jochai, « La scène hollandaise du poste de garde de l'âge d'or : une définition », Artibus et Historiae , Vol. 27, n° 53, 2006, p. 151-174.

Webster, Erin L., critique de « L’art et de la culture de l'amour dans la Hollande du XVIIe siècle », par H. Rodney Nevitt, The Sixteenth Century Journal, Vol. 35, n° 2, 2004, p. 550-552.

Autrice de la notice

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Morwena Joly-Parvex

Conservatrice du patrimoine

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