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Une Femme en buste attribuée à Cornelius Janssen van Ceulen

Découvrez comment le style de fraise dit beaucoup d'un tableau...

Présentation de l'oeuvre

Attribué à Cornelius Janssen van Ceulen (1593-1661), Portrait de femme. Huile sur toile, 75,2 x 65 cm. Château d’Aulteribe (Sermentizon)

© Centre des monuments nationaux

 Le style de la fraise permet d’envisager dans un premier temps une datation pour ce portrait en buste. La fraise est ample, particulièrement luxueuse avec ses broderies « reticelli » à l’extrémité des godrons, et permet de dater ce portrait des années 1600-1620. La coiffure est également caractéristique de la période, un chignon orné de fleurs.La fraise est un objet de luxe, elle requière trois à quatre mètres de fine baptiste ou de lin pour une petite fraise et leur mode se répand dans toute l’Europe du XVIe siècle. La fraise devient encore plus luxueuse avec l’invention des aiguilles d’acier qui donne un essor nouveau aux broderies « reticelli » et aux dentelles « punto y aria » qui vont l’orner. C’est une mode à la fois extravagante et stricte, qui codifie la forme et le volume selon les pays, les personnes et leur condition sociale. Cette mode perdure pendant près d'un siècle, entre les années 1545 et 1630.L’œuvre a été rapprochée par Guillaume Kientz de celles d’Alonso Sánchez Coello, (1531-32-1588), un peintre espagnol, élève d’Anthonis Mor, dit aussi Antonio Moro (1517-1576), portraitiste très apprécié, à la carrière internationale. Formé au Portugal, Coello se met au service de la cour portugaise puis suit Jeanne d’Autriche en Espagne où il est nommé peintre de la chambre de Philippe II, succédant ainsi à Antonio Moro. Il consacre l’essentiel de sa carrière au portrait et contribue à fixer les codes des représentations royales. Un portrait d’après Coello d’aspect similaire, conservé à Knole House dans le Kent, pourrait en effet étayer cette thèse, quoique que portrait quasi identique soit attribué à Frans Pourbus le jeune au sein même de la collection.Mais Alonso Sánchez Coello n’est pas le seul peintre à copier la manière d’Antonio Moro ou parfois mêmes certaines de ses œuvres, dont les modèles circulaient par le biais de l’estampe. Francisco de Holanda ou Cristóvão de Morais Lopes ont ainsi pu peindre selon sa manière, sans compter ses élèves comme Juan Pantoja de la Cruz (1553-1608), pour n’en citer qu’un, qui livrent des portraits très similaires à la même époque. L’artiste est en outre encore mal documenté et on confond encore plusieurs de ses œuvres avec celles de son disciple, Juan Pantoja de la Cruz, ou celles — contemporaines — de Sofonisba Anguissola.

Cependant, le style de ce portrait en buste est beaucoup moins hiératique que ceux de l’école espagnole, qui vise à figer la représentation aristocratique dans une rigoureuse posture hautaine, sans réelle personnalité propre. Un portrait attribué à Coello et conservé au National Museum de Cracovie pourrait nuancer ce point de vue, mais l’exemple semble unique.

C’est donc plutôt vers l’école flamande qu’il faut se tourner pour comprendre ce portrait. Le peintre Salomon Mesdach exécute à cette même époque ce type de portrait en buste (vente Dorotheum, Vienne, 24.03.1999), mais bien plus réaliste dans le traitement du visage au regard de notre tableau. Il est à noter que le portrait d’Aulteribe s’inscrit dans un ovale en trompe l’œil, comme peut le faire le peintre Marcus II Gerard (1561/62-1635), peintre flamand de la cour des Tudors, dans certains tableaux.

C’est vers un autre peintre de parents flamands, mais né en Angleterre, Cornelius Janssen van Ceulen (1593-1661), qu’il convient de se tourner. Vers 1618, il s’installe à Londres et exécute des centaines de portraits, précisément inscrits dans un trompe-l’œil ovale, dans une volonté d’inscrire le portrait dans une dimension tridimensionnelle. En cela il imite les portraits imprimés de l’époque, dans lesquels des personnages célèbres sont représentés dans un cadre ovale et ornementé. D’autres peintres flamands de la même époque, et installés à Londres, ont recours à ce procédé comme Anthony van Dyck (1599-1641), Sir Peter Lely (1618-1680). Les portraits de van Ceulen, à la différence de ceux de van Dyck, sont d’une sobre élégance, et si sa clientèle est aisée, elle n’a rien à voir avec celle de van Dyck, qui se situe dans les plus hautes sphères de la société internationale.

Oeuvre à la loupe

Autrice de la notice

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Morwena Joly-Parvex

Conservatrice du patrimoine

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