Art & Architecture
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Partez à la découverte de la célèbre iconographie de Marie de Médicis en veuve.
Reine de France et de Navarre de 1600 à 1610 par son mariage avec Henri IV, Marie de Médicis devient veuve en 1610, et doit assurer la régence au nom de son fils Louis XIII, jusqu’en 1614. Si l’historiographie a régulièrement dénoncé ses choix politiques, elle laisse, en dépit des critiques, un royaume pacifié à son fils.
Sa fortune mémorielle ne rend pas justice au rôle de Marie de Médicis, dernière grande reine à porter si haut la royauté féminine dans une monarchie où la loi salique devait la reléguer dans une position secondaire. Sa parfaite connaissance des stratégies iconographiques permettant d’asseoir son pouvoir lui fait par exemple commander le Cycle de Marie de Médicis, série de vingt-quatre tableaux de Pierre Paul Rubens commandés en 1621 pour le palais du Luxembourg à Paris. Elle soigne également ses portraits d’apparat, très importants dans la vie diplomatique.
Fidèle à la tradition de mécénat de sa famille florentine, Marie de Médicis reste obtient que Frans II Pourbus (1569-1622), célèbre peintre flamand qui exerce en Italie, à la cour de Mantoue, vienne s’établir en France à partir de 1609. Pourbus impose alors à la France sa conception du portrait de cour, avec un rendu fidèle de la physionomie ainsi que de la richesse des habits et la variété des textures, avec la précision flamande. Un tel degré de magnificence picturale n’avait jamais été atteint par les précédents peintres de portraits royaux, comme Jacob Bunel (1558-1614) ou François Quesnel (1543-1616).
En 1617, il en fait son portrait, la représentant en pied, conservé au musée du Prado à Madrid. Ce tableau, qui inaugure une importante série de portraits de la reine, est le modèle direct des nombreuses versions recadrées sur le buste. Ce portrait est l’ultime proclamation de la régente au moment où le pouvoir lui échappe, puisqu’elle est en exil à Blois après l’affaire Concini, le favori qu’elle tente d’imposer au début du règne de son fils Louis XIII.
Dans la série des portraits de la régente en habit de deuil, Pourbus se doit de rendre l’autorité et la grandeur de la souveraine. La représenter avec un deuil porté en noir est déjà en soi significatif. Elle fait ainsi référence à la mante et « pointe de deuil » portée par Catherine de Médicis à la mort d’Henri II, qui avait elle aussi porté le deuil en noir, alors que l’usage à la cour de France est de le porter en blanc. Ainsi, à la mort de Henri III, Louise de Lorraine-Vaudémont prend naturellement le deuil en blanc.
À la différence du portrait daté de 1612 (Versailles, musée du château), ou de 1616 (Chicago, Art Institute of Chicago) qui présentent un somptueux col ouvert comme cela se pratique à la cour de France, la version copiée du château de Cadillac présente une fraise d’apparat, caractéristique de la mode italienne au début du XVIIe siècle, dont les proportions sont telles que ces fraises doivent être soutenues par un châssis de fil de fer (appelé rebato) qui la soulève très haut sur la nuque. Par cette référence vestimentaire, qui impose la magnificence de la fraise italienne et des énormes perles, l’image politique est directement liée à Catherine de Médicis.
Cette glorification dynastique est dans le prolongement de sa commande, dans les années 1620, à plusieurs artistes florentins une série de dix toiles pour présenter les hauts faits des Médicis, afin d’orner les murs du cabinet doré de son appartement au palais du Luxembourg.
Blaise Ducos, Frans Pourbus le jeune (1569-1622) : Le portrait d’apparat à l’aube du Grand siècle, entre Habsbourg, Médicis et Bourbons, Paris, Faton, 2011.
Yann Rodier, « Marie de Médicis et les représentations symboliques d’une Reine de Paix ou le faire voir, faire croire de la Régence (1610-1617) », Europa Moderna. Revue d'histoire et d'iconologie n°2 / 2011. L’Après Henri IV. p. 78-108.