Art & Architecture
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Partez à la découverte du thème de la tempête dans la peinture de paysage au XVIIe siècle.
En dépit de la hiérarchie des genres élaborée au sein de l’Académie de peinture et de sculpture de Paris, qui valorise avant tout la peinture d’histoire, le XVIIe siècle est une grande période pour le genre du paysage. Dans toute l’Europe, la représentation de la nature pour elle-même fait l’objet de recherches artistiques précises, souvent théorisées. Les plus grands maîtres s’y exercent, comme les Carraches ou le Dominiquin en Italie, Rubens ou Rembrandt dans le Nord, et parmi les Français Laurent de La Hyre, Philippe de Champaigne, Sébastien Bourdon ou Nicolas Poussin. Certains y consacrent leur vie entière par vocation, comme Albert Cuyp, Jan van Goyen ou Jacob van Ruysdaël en Hollande, le grand Claude Lorrain à Rome. Le genre apporte non seulement de la notoriété à l’artiste, mais le public est prêt à payer des prix très élevés.
Dans la première moitié du siècle, le souci d'étudier plus particulièrement les effets de l'atmosphère conduit les peintres à étudier des aspects peu représentés. Au-delà des belles campagnes ouvertes, un Laurent de La Hyre se plaît aux clairières marécageuses hérissées de jonc. Cet intérêt pour les valeurs atmosphériques conduit aussi les peintres à rendre les divers moments de l'année et du jour, afin de trouver à chacun sa lumière propre.
Gaspard Dughet (1615-1675) est un de ces peintres de paysage. Il est italien et beau-frère de Nicolas Poussin, parenté si importante qu’il est aussi appelé Gaspard Poussin. Il est sans doute initié à la peinture par ses soins, avant de se spécialiser dans la peinture de paysage de la campagne romaine. Il devient, avec son contemporain Salvator Rosa (1615-1673) qui lui aussi exécute des tempêtes (Londres, National Gallery), l’un des artistes les plus appréciés de cette spécialité.
Moins savant que Poussin, Dughet s’intéresse à la peinture flamande ou hollandaise, sensible à l’observation directe et précise de la nature, mais aussi à sa dimension fantastique. L’influence hollandaise est d’ailleurs ici particulièrement nette dans ce tableau puisqu’il s’agit de représenter un phénomène naturel, en l’occurrence le désordre des arbres pendant la tempête, ici suggéré par un rendu méticuleux d’un arbre tortueux, qui n’est pas sans avoir des allures anthropomorphes, au point qu’il aurait pu inspirer un dessin de Walt Disney.
La comparaison avec le Paysage orageux avec Pyrame et Thisbé exécuté par Nicolas Poussin en 1651, éclaire par contraste la manière propre à Dughet. Poussin mêle dans ce tableau peinture des passions humaines, avec ses figures proposant toute la gamme de la peur, et peinture de la nature déchainée. Poussin a certes aussi voulu peindre un paysage pour lui-même, d’après nature, avec ses arbres agités, éclairés au gré des variations lumineuses du ciel, mais il y a chez Gaspard Dughet une curiosité plus vive pour les éléments naturels, un plaisir à rendre les accidents pittoresques, qui s’opposent à la sobriété, au souci intellectuel de construction de Nicolas Poussin.
Le thème de la tempête ou de l’orage n’est pas à proprement parlé, nouveau, et Giorgione a déjà attiré l’intérêt des amateurs sur sa représentation au tout début du XVIe siècle vénitien (Venise, Gallerie dell’Academia). Avec sa vision réaliste et dramatique, Gaspard Dughet a été l'un des premiers peintres à s’exercer dans ce nouveau genre, le paysage de tempête. Le genre triomphe au siècle suivant et explique le grand succès qu'a connu le peintre auprès des collectionneurs et des peintres anglais comme Gainsborough.
Marie-Nicole Boisclair, Gaspard Dughet. Sa vie et son œuvre 1615-1675, Paris, Arthéna, 1986.