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Portrait d’apparat d’une femme par Lavinia Fontana

Suivez les méandres d'une attribution...

Présentation de l'oeuvre

Attribué à Lavinia Fontana (1552-1614), Portrait de femme, fin XVIe-début du XVIIe siècle. Huile sur toile, 131 x 93 cm. Château d’Aulteribe

© Philippe Berthé / Centre des monuments nationaux

La question de l’attribution d’un tel portrait d’apparat est complexe, car de nombreux peintres parcourent les cours d’Europe à la recherche de commandes prestigieuses : espagnols, italiens ou hollandais s’influencent et exécutent des portraits dont il faut d’abord déterminer de quelle « école » ils relèvent et enquêter finement sur les moindres détails de l’œuvre. La coiffure ainsi que l’ampleur de la fraise, son luxe, puisque les godrons sont ici en dentelle, permettent de dater ce portrait entre la fin du XVIe siècle et le début du XVIIe siècle.

Il est vraisemblable que ce portrait formait un pendant avec un portrait masculin, comme certains musées en conserve (Portraits de Daniël van der Meulen et Hester della Faille, par Bernaert de Rijckere (1535-1590), Museum De Lakenhal de Leiden). En ce qui concerne l’aspect global du tableau, la pose, très codifiée, se retrouve chez tous les peintres de cour, comme Sánchez Coello, Sofonisba Aguissola pour la cour d’Espagne (Portrait de l’Infante Isabella Clara Eugenia, musée du Prado) que chez les peintres flamands comme Frans Pourbus le jeune (1569-1622) et bien sûr Pierre-Paul Rubens. Les experts de l’Inha ont opté pour une école italienne, en attribuant ce tableau à Lavinia Fontana (1552-1614).

Cependant, si on s’attache aux détails des costumes, le portrait conservé au château d’Aulteribe peut être rapproché d’un portrait de femme peint par Pierre-Paul Rubens aux alentours de 1609-1610 (Madrid, Musée Thyssen-Bornemisza). Les deux modèles portent une chaîne d’or autour des hanches nouées par le biais d’un ruban. Le traitement du visage en revanche reste très différent, puisque l’épiderme est uniforme dans le portrait d’Aulteribe. Les accessoires – bracelets, chaîne en or maintenue par un ruban – permettent de rapprocher notre tableau de l’école du nord de l’Europe. De tels bijoux ne semblent en effet présents que dans les portraits hollandais et flamands de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe siècle, comme dans le Portrait de Susanna van Meckema par un peintre anonyme, daté de 1600-1625, conservé au Groninger Museum. Dans ce dernier, le modèle porte également une chaîne en or, maintenue au niveau de la taille par un ruban, tout comme dans le portrait d’Adriana van Nesse par Salomon Mesdach.

En comparant notre tableau à celui passé en vente publique (Christie’s, Londres, 30.04.2005), un portrait de Maria Vertemata, daté de 1594, attribué au cercle de Frans Pourbus le jeune (1569-1622), le portrait d’Aulteribe semble assez similaire dans ses caractéristiques.

Cependant, on peut aussi évoquer l’œuvre de Lavinia Fontana. Portraitiste célèbre dès la fin des années 1580, elle reçoit d'importantes commandes, non seulement de nobles dames mais également d'hommes importants et de lettrés. Les grandes familles de Bologne lui commandent des portraits qu'elle exécute entre 1575 et 1585. Plus tard, installée à Rome et alors qu’elle s’est tournée vers la peinture religieuse, le pape Clément VIII la nomme peintre de la cour, où la encore elle exécute de nombreux portraits. Son nom ne peut pas être totalement écarté au regard du Portrait de Costanza Sforza de Santa Fiora (1550-1617), épouse de Giacomo Boncompagni, daté de 1594, passé en vente publique (vente Uppsala Auktionskammare, Suède, 14.06.2016). La qualité du rendu des tissus incite notamment à proposer le nom de la peintre, récemment redécouverte.

Oeuvre à la loupe

Pour aller plus loin

Blaise Ducos, Le portrait d'apparat à l'aube du Grand siècle. Entre Habsbourg, Médicis et Bourbons. Paris, Faton, 2011.

Portrait attribué à Lavinia Fontana (1552-1614), dans la base RETIF de l’Institut national d’histoire de l’art.

Auteure de la notice

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Morwena Joly-Parvex

Conservatrice du patrimoine

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