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Le cabinet gothique de Madame du Cayla au château de Saint-Ouen

Partez à la découverte du gothique revival en France

Présentation de l'ensemble

Château de Maisons, mobilier provenant du cabinet gothique de la comtesse du Cayla du château de Saint-Ouen

© Benjamin Gavaudo / Centre des monuments nationaux

Dès le milieu du XVIIIe siècle en Angleterre, des expériences « gothiques » comme celle d’Horace Walpole (1717-1797) à Strawberry Hill voient le jour. Cette villa, véritable fantaisie gothique, construite et aménagée à Twickenham à partir des années 1750 réunissait des collections anciennes et modernes du Moyen-Age et d’un passé national proche, à contre-courant du goût contemporain presque universel pour l’Antiquité et son renouveau.

En France, les tentatives se limitent essentiellement aux fabriques de jardins. C’est Hortense de Beauharnais (1783-1837) qui introduit le style troubadour et le goût pour le Moyen-Age dans les intérieurs sous le Consulat, mais avec un succès limité.

Dans les Mémoires d’une femme de qualité sur le Consulat et l’Empire, derrière laquelle est à peine dissimulée Zoé Talon, comtesse du Cayla (1785-1852), favorite de Louis XVIII et amie d’Hortense, est en effet raconté que la future reine de Hollande lança, la première, le goût de la décoration d’intérieur dans un style néogothique, dans l’esprit du Romantisme naissant. “ Ce fut au reste Hortense qui mit à la mode le gothique, qui engendra le chevalerisme, qui engendra l’école nouvelle, etc..., etc. Cette princesse, par une manie particulière, voulut que les meubles de son appartement rappelassent, dans leur forme, ceux des siècles passés, et que les tableaux, qu’on y plaçait dans des cadres de forme antique, représentassent des traits de notre ancienne histoire ”. La Dame de qualité souligne d’ailleurs que “ le caprice d’Hortense n’a pas porté ses fruits sous l’Empire ”.

En France cet intérêt pour l’histoire nationale se fait sentir surtout en littérature (Le Connétable de Bourbon du comte de Guibert en 1785) et en peinture avec le style troubadour. Avec la Révolution et l’incertitude face à un avenir politique et national, l’Europe entière, et la France en particulier, se penche sur son histoire et ses monuments nationaux. Le néoclassicisme a admiré les ruines de Rome, la France de 1800 commence à admirer ses propres ruines. Durant le Consulat Chateaubriand écrivit et publia des ouvrages dans un style nouveau, Atala (en 1801) et René (en 1803), et surtout Le Génie du Christianisme (en 1802).

Madame du Cayla sut apprécier le goût pour le gothique, presque un manifeste politique de l’histoire médiévale de la monarchie pour la favorite du roi et royaliste convaincue. Vers 1825-1827, elle se fait aménager un cabinet meublé dans le goût gothique au premier étage du château de Saint-Ouen. De l’ensemble ne sont connus que quelques objets : « une pendule, représentant un Pavillon gothique avec verres de couleurs, […] en bronze doré mat, socle en marbre de sienne », signée et datée Lucien-François Feuchère (vers 1760-vers 1841) sur les dessins de l’architecte de Saint-Ouen Jean-Jacques-Marie Huvé (1783-1852), « une petite lampe lustre, bronze doré mat, huit lumières, verre de couleur », attribuée à Feuchère, « trois fauteuils […] quatre chaises […] en ébène sculpté gothique, garniture bronze doré mat, garniture en velours violet, passementerie et glan[d]s or fin ». Les sièges portent l’estampille de Louis-Alexandre Bellangé Fils (1796-1861). Le cabinet comptait également un canapé,

deux tabourets, deux tabourets de pied et un bureau en ébène. Bellangé, fils et successeur de Pierre-Antoine Bellangé (1758-1827), maître menuisier en 1788, présente « une table et un échantillon de [ces] chaises gothiques » à l’exposition des produits de l’industrie de 1827. Il obtint la médaille d’argent, grâce à sa mesure dans l’« emploi d’un style que la mode a remis en faveur, mais dont le bon goût défend d’abuser ». Son talent réside dans l’évocation d’un imaginaire médiéval sans pastiche. Les dossiers à pavillon et les pieds en bambou évoquent la Chine, l’emploi de l’ébène et les incrustations de métal rappellent les meubles précieux du XVIIe siècle. Il contourne ainsi les réticences du goût français encore très marqué par le néo-classicisme. La pendule et le lustre présentent en revanche toutes les caractéristiques attendues.

Bellangé, Louis-Alexandre (1796-1861), chaise et fauteuil

© Benjamin Gavaudo / Centre des monuments nationaux

Feuchère, Lucien-François (1760-1841), Pendule

© Photographe : © Benjamin Gavaudo / Centre des monuments nationaux

Gérard, François (1770-1837), Portrait de Zoé Victoire Talon, comtesse du Cayla, et de ses enfants

© Sylvie Chan Liat / Centre des monuments nationaux

Pour aller plus loin

Adolphe Blanqui, Histoire de l’exposition des produits de l’industrie en 1827, Paris, 1827.

Sylvain Cordier, Bellangé, ébénistes. Une Histoire du goût au XIXe siècle, Paris, 2012.

Mémoire d’une femme de qualité sur le Consulat et l’Empire, Mercure de France, 1987.

Autrice de la notice

Sébastien Boudry

Sébastien Boudry

Référent des collections au Centre des monuments nationaux

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