Art & Architecture
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Partez à la découverte du plus célèbre temple laïc de Paris !
Décidée par Louis XV, l’ancienne église de Sainte-Geneviève voit le marquis de Marigny confiée en 1755 sa conception à Jacques-Germain Soufflot, qui décèdera en 1780 sans voir l’achèvement de son grand œuvre, ni sa transformation à peine un an plus tard en panthéon national. Si Sainte-Geneviève va renouveler un genre encore marqué par le modèle des églises de la contre-réforme, sa transformation en temple laïc la voit rejoindre une autre famille, celle des monuments publics commémoratifs.
Le Panthéon national est un des points hauts de la ligne d’horizon parisienne. Le saillant de son dôme, qui symbolise aujourd’hui la reconnaissance de la nation à ses grands hommes, été initialement voué à rappeler l’attachement de la royauté à l’église.
Lorsqu’il décide la construction d’une église monumentale pour abriter les reliques de Sainte-Geneviève, Louis XV impose le symbole de cet attachement au quartier de l’église de Saint-Médard, dont l’influence janséniste manifeste une opposition très active à la monarchie. Dans ce sens, la monumentalité verticale de l’église est un rappel au principe de l’absolutisme royal. Soufflot, lui, cherche à embellir ce secteur par l’entremise d’une grande composition, dans un Paris encore très marqué par sa structure médiévale.
Il conçoit donc un ensemble composé d’une nouvelle voie qui monte depuis l’hôtel du Luxembourg, et amène sur une place au dessin semi-circulaire. Au centre, l’église et sa façade principale se retrouvent isolées, une nouveauté pour l’époque. L’église elle-même présente une composition d’un nouveau genre en superposant deux temples « à l’antique ». Un premier à portique et fronton, surmonté d’un second en forme de temple monoptère.
Cet ensemble urbain permet deux points de vue. Depuis le bas, on ne voit que le portique surmonté du dôme, dispositif destiné à devenir un archétype néo-classique. Mais arrivés en haut, l’édifice et son dôme disparaissent derrière le monumental portique à fronton. Le promeneur prend alors conscience des abords immédiats avec, face à l’église, deux corps de bâti alignés sur le tracé arrondi de la place haute. Chacun, dessiné de la main de Soufflot, développe un portique d’ordre ionique, respectant la prééminence de l’église et son ordre corinthien.
Si cette nouvelle place isole la façade principale des bâtiments alentour, le reste de l’église est encore en contact avec l’abbaye Sainte-Geneviève. Une situation qui va changer lorsque, recevant la charge de transformer l’église royale en temple laïc, Quatremère de Quincy envisage le détachement total du monument. Le principe sera réalisé par l’administration impériale en 1807 avec un espace rectangulaire qui viendra compléter la place semi-circulaire de Soufflot. En 1833, le besoin se fait sentir de protéger la solennité du monument des flux sans cesse grandissant de la ville, ce qui amènera la création du socle clôturé dessinée par L. N. Destouches.
Franchissant le péristyle du portique, on entre dans l’espace intérieur de la nef pour se rendre compte du plan centré en croix grecque. Attiré par la lumière sommitale, on avance jusqu’au croisé. Le regard happé vers le haut, on y découvre le dispositif à trois coupoles. Les deux premières, enchâssées, mettent en scène la fresque de ciel d’Antoine-Jean Gros, élément de décor central de la tour lanterne. La troisième coupole est non pas charpentée comme pour son modèle de Mansard aux Invalides, mais faite de caissons de pierre.
En se retournant vers les vaisseaux, on est frappé par la richesse de leurs articulations, qui s’oppose à la simplicité des voûtes à berceau de l’héritage classique : ici, des coupoles sommitales reposent sur des pendentifs que déchargent des berceaux à lunettes. Le système est subtilement inspiré par les principes gothiques avec ses contreforts et ses appuis non pas linéaires, mais ponctuels.
L’ensemble de ce couvrement est supporté par une colonnade intérieure qui permet une continuité d’espace et de lumière, et qui détonne avec la rigidité spatiale des églises de la contre-réforme. Bouchant les grandes baies latérales d’origine, Quatremère ne conserve de lumière que celle provenant des grandes lunettes hautes. Devenu mausolée, l’intérieur voit ses décors supprimés. Plus sombre et plus sobre, il gagne en gravité ce qu’il perd en éclat et en luminosité.
Reste la richesse spatiale et structurelle, permise par un système constructif dont l’approche scientifique doit beaucoup à Jean Rondelet, assistant de Soufflot qui terminera l’ouvrage à la mort de ce dernier. Ainsi, on normalise le choix des pierres avec une machine à tester leur résistance, on conçoit des renforts métalliques qui atteignent ici une densité et une sophistication jamais vues jusqu’à lors.
On retrouve donc dans le monument l’aboutissement des réflexions du XVIIIe siècle sur la typologie des églises, à savoir le plan centré, les références à l’antique ou encore la tentative de nouveaux modèles avec le dôme à tambour. Mais on peut également y lire l’esprit scientifique et rationnel des encyclopédistes. Tout cela forme les germes d’une architecture néo-classique encore à venir, et s’inscrit dans la fin du maniérisme de la période rococo du premier tiers du XVIIIe siècle.
Devenue temple laïc, l’ancienne église donne naissance à un nouvel objet urbain, le monument public. Assis sur son sommet, solennellement libéré des contingences d’une ville plus basse que lui, il lui impose, encore aujourd’hui, la majesté de son idéal républicain.
Fabienne Cirio, Le Panthéon symbole des révolutions. De l'Église de la Nation au Temple des grands hommes, Catalogue Exposition. In: Bulletin Monumental, tome 148, n°3, année 1990.
La montagne Sainte-Geneviève, 2000 ans d’art et d’histoire, catalogue d’exposition, Paris, musée Carnavalet, 1981.
Jean-Marie Pérouse de Montclos, Jacques-Germain Soufflot, Paris, Éditions du patrimoine, Paris, 2004.