Histoire

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Missak Manouchian : un résistant d'origine arménienne au Panthéon

Portraits de Missak et Mélinée Manouchian dans la nef du Panthéon, le 21 février 2024

À l'occasion des 80 ans de son exécution, le 21 février 1944, le résistant d'origine arménienne Missak Manouchian entre au Panthéon, accompagné de son épouse Mélinée et de ses camarades.

De l'Arménie à la France

Missak Manouchian naît en 1906 à Adiyaman, dans l’Empire ottoman (à l’est de l’actuelle Turquie). Après la mort de ses parents, tués lors du génocide arménien de 1915, il passe plusieurs années dans un orphelinat francophone près de Beyrouth, au Liban (alors sous mandat français). C’est à cette époque que naît son attachement à la France.
 

Missak Manouchian à l’orphelinat de Djounieh (Liban)
Missak Manouchian à l’orphelinat de Djounieh (Liban)

Archives Manouchian / Roger-Viollet


Il débarque à Marseille en 1924, puis arrive à Paris : il suit alors des cours à la Sorbonne en auditeur libre, tout en écrivant des poèmes et des articles dans des revues sur la politique et la littérature.

Mélinée Soukémian, quant à elle, voit le jour à Constantinople en 1913. Ses parents sont tués quand elle n'a que deux ans : elle est d'abord recueillie à Smyrne (actuelle Turquie), ville occupée par les forces grecques, puis accueillie comme réfugiée par le royaume de Grèce. 

À la fin de l'année 1926, elle est envoyée en France pour y poursuivre sa scolarité. À la suite d'une erreur d'état-civil, Mélinée Soukémian est renommée Mélinée Assadourian.

Une vie d'engagement

Missak Manouchian adhère au Parti communiste en février 1934 et rejoint la section française du Comité de secours de l’Arménie, une organisation liée à l’Internationale communiste visant à mobiliser la diaspora arménienne en faveur de la République soviétique d’Arménie.

C’est alors qu’il rencontre sa future femme Mélinée. Ensemble, ils jouent un rôle important dans l’organisation politique des Arméniens en France, mais aussi dans la lutte contre l’extrême-droite et pour la défense des droits de l’homme.

Missak Manouchian demande sa naturalisation à deux reprises, en 1933 et en 1940, mais ces demandes resteront sans suite.
 

Première demande de naturalisation de Missak Manouchian, 1er août 1933
Première demande de naturalisation de Missak Manouchian, 1er août 1933

Archives nationales de France, 19770884/298

La Résistance et « l’Affiche rouge »

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Mélinée et Missak s’engagent dans la Résistance face à l’occupant nazi. 

En juin 1941, la rupture par Hitler du pacte germano-soviétique soulage les militants communistes : la lutte armée devient une priorité. 

Missak Manouchian rejoint les Francs-Tireurs et Partisans parisiens de la Main d’Œuvre Immigrée (FTP-MOI) en février 1943. Ils mènent des opérations armées spectaculaires, dont l’attentat contre le général allemand Julius Ritter, responsable de la réquisition de la main-d’œuvre dans le cadre du Service du travail obligatoire.

Mais la police parisienne, surtout les Brigades spéciales, ne cessent de traquer ces combattants...

Après une longue filature, Missak Manouchian est arrêté en région parisienne le 16 novembre 1943 par les Brigades spéciales, et livré aux autorités allemandes avec ses camarades.

Mélinée parvient à échapper à une rafle en se réfugiant chez les Aznavourian, famille de Charles Aznavour.

Après l'arrestation du groupe dirigé par Missak Manouchian, les autorités d’occupation organisent, en février 1944, une campagne xénophobe, antisémite et anticommuniste pour décrédibiliser l’action de ces résistants étrangers : « l’Affiche rouge ».  
 

L'Affiche rouge, 1944
L'Affiche rouge, 1944, Musée de la Libération de Paris - musée du Général Leclerc - musée Jean Moulin

© Paris Musées


Contre toute attente, cette affiche suscite la sympathie d’une grande partie de la population et devient l'emblème de l’héroïsme des hommes et des femmes qui ont sacrifié leur vie pour libérer la France.

Le groupe des vingt-trois

Entre le 15 et 18 février 1944, vingt-trois membres d'un groupe de FTP-MOI dirigé par Joseph Epstein, connu sous le nom du colonel Gilles, comparaissent devant une cour martiale allemande. 

Le 21 février 1944, après un simulacre de procès, le verdict tombe : l'ensemble des accusés est condamné à être fusillé le jour même à l'exception d'Olga Bancic, seule femme du groupe, qui est transférée en Allemagne et décapitée à la prison de Stuttgart le 10 mai 1944.

Joseph Epstein, bien qu'arrêté avec Missak Manouchian le 16 novembre 1943, n'est jugé et fusillé qu'en avril 1944.  
 

Portraits des résistants du groupe Manouchian
Portraits des résistants du groupe Manouchian dans l'exposition "Vivre à en mourir" au Panthéon

© CMN

Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand [...]. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur ! à tous !

Les dernières lettres des condamnés à mort témoignent de l’universalisme qui anime leur combat. Celle, poignante, que Missak adresse à Mélinée, inspirera un poème à Louis Aragon et une chanson à Léo Ferré. 

Vous pouvez lire cette lettre dans son intégralité sur le site d’Éduscol.

Dernière lettre de Missak Manouchian à sa femme Mélinée
Dernière lettre de Missak Manouchian à sa femme Mélinée, présentée dans l'exposition "Vivre à en mourir" au Panthéon

© CMN


L'entrée au Panthéon de Missak Manouchian est accompagnée d'un hommage aux vingt-deux hommes et une femme du groupe des FTP-MOI condamnés à mort le 21 février 1944.

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant.

Qui étaient Missak Manouchian et les FTP-MOI ? Interview de Denis Peschanski au Panthéon

video | Temps de Lecture12:25 min

Mélinée après Missak

Mélinée ne cessera jamais d’honorer la mémoire de son mari et de veiller à sa reconnaissance posthume : elle fera paraître plusieurs recueils de ses poèmes écrits en arménien et fondera l'Amicale des anciens résistants français d'origine arménienne.

Un décret du 30 juin 1946 lui permet d'être naturalisée « au titre de résistant ou de résident installé depuis 1939 », comme des milliers d'immigrés.

Elle est nommée chevalier de la Légion d’honneur le 31 décembre 1986, trois ans avant sa mort en décembre 1989.
 

Portrait de Mélinée Manouchian dans l'exposition "Vivre à en mourir" au Panthéon
Portrait de Mélinée Manouchian dans l'exposition "Vivre à en mourir" au Panthéon

© CMN

Une exposition à ne pas manquer

À l’occasion de l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian accompagné de son épouse Mélinée et de ses camarades de Résistance, découvrez l'histoire exceptionnelle derrière ces grandes figures en visiant l'exposition "Vivre à en mourir. Missak Manouchian et ses camarades de Résistance au Panthéon", du 23 février au 8 septembre 2024.

En savoir plus sur l'exposition

Pour aller plus loin

Découvrez l'œuvre poétique de Missak Manouchian, traduite en intégralité pour la première fois, aux éditions Points. 

Ivre d'un grand rêve de liberté est un recueil regroupant les 56 poèmes de Missak Manouchian, dont certains poèmes inédits traduits pour la première fois en France dans une magnifique édition bilingue.

Découvrir l'ouvrage

Couverture du recueil de poèmes de Missak Manouchian aux éditions Points
Couverture du recueil de poèmes de Missak Manouchian aux éditions Points

© éditions Points

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